Moments émouvants et solennels, hier, place du 17 Octobre, à la gare Saint-Denis (Paris), pour la commémoration du 54e anniversaire des manifestations pacifiques nées de la colère d'hommes et de femmes face aux violences racistes qu'ils subissaient au quotidien, et qui se sont vite transformées en journée meurtrière. La ville de Saint-Denis commémore sans discontinuer, depuis une quinzaine d'années, ces événements tragiques, en hommage à toutes les victimes de la terrible répression des forces de police, ce jour-là à leur tête le sinistre Papon. Il s'est trouvé quand même un ministre de la République française, Michel Debré, qui l'avait porté aux nues. «Pour ses services rendus à la patrie, Maurice Papon mérite bien des éloges de l'Etat français», avait-il dégouliné. Daniel Meyer, président de la Ligue des droits de l'homme, ancien résistant, lui, s'était désolé que «le 17 Octobre 1961 soit devenu le jour de notre honte». Prenant la parole, l'ancien responsable de la Fédération de France du FLN, Mohamed Ghafir dit Moh Clichy, a rendu un bel hommage à la ville de Saint-Denis qui «n'a de cesse d'honorer cette date mémorielle par des mesures concrètes, notamment la dénomination de cette place où nous nous trouvons, place du 17 Octobre 1961, inaugurée il y a exactement 8 ans». S'adressant à Didier Paillard, maire de Saint-Denis, M. Ghafir a déclaré : «Je prends acte avec bonheur et soulagement que la ville de Saint-Denis a fixé la date d'aujourd'hui, ô combien symbolique, pour inaugurer officiellement la nouvelle dénomination de ce vaste et beau jardin public qui s'appellera désormais Fatima-Bedar» en tant que martyre et symbole de sacrifice de la femme algérienne, lors des tragiques événements du 17 Octobre 1961, dont le corps noyé fut retrouvé dans la grille de l'écluse du canal Saint-Denis, le mardi 31 octobre 1961. Après 45 années après, le 17 octobre 2006, ses restes ont été rapatriés et réinhumés en Algérie, plus précisément au cimetière des Martyrs de Tichy (Béjaïa), dans cette terre qui lui était si chère et pour laquelle elle a offert sa vie, à la fleur de l'âge, bouclant à peine ses 15 printemps. Le père de Fatima a ainsi vu ses vœux les plus chers exaucés avant de décéder un peu plus tard, en mars 2008, tout à fait serein et l'âme en paix. Emu et conscient de l'impact de ses propos sur les présents, dont les personnels de la mairie de Saint-Denis et une foule d'Algériens, M. Ghafir n'a pas manqué de s'incliner à la mémoire de l'historien Jean-Luc Enaudi, décédé le 22 mars 2014 «qui a été un véritable pionnier» en matière de dévoilement des crimes commis en ce 17 Octobre 1961 à Paris, grâce à ses nombreux ouvrages. Et d'ajouter : «Après sa mort, je me suis senti tellement redevable envers lui que j'ai considéré comme la moindre des choses de lui consacrer un cahier spécial que j'ai inclus dans la quatrième édition de mon ouvrage.» Désormais, la lutte du colonisé, portée sur le sol du colonisateur, une première dans l'histoire des peuples en lutte, a désormais deux référents essentiels à Paris : la gare de Saint-Denis et le parc Fatima Bedar...