La polémique autour des travaux d'extension du Métro d'Alger qui affecteront le jardin botanique de l'Ecole nationale supérieure d'agronomie (ENSA) semble tourner au dialogue de sourds. Dimanche dernier, lors de la célébration de la Journée mondiale de l'alimentation tenue au sein-même de l'établissement, le ministre de l'Enseignement supérieur s'est voulu rassurant en affirmant que l'espace ne sera pas endommagé. «La réalisation de ce projet a eu certainement l'aval des spécialistes en la matière, et d'après leurs explications le maître d'ouvrage ne va pas couper les arbres, mais il va les déplacer», selon les propos de Tahar Hadjar rapportés par l'APS, qui insiste sur le caractère d'«utilité publique» de la ligne du métro El Harrach-aéroport Houari Boumediène, en chantier. Selon l'agence, le directeur de l'ENSA abonde dans le même sens en assurant qu'«à la fin des travaux, on aura un jardin botanique clé en main aménagé par l'entreprise Métro d'Alger et Cosider (l'entreprise de réalisation)». Lakhedar Khelifi informe également que l'opération de coupe et de déplacement des arbres est en cours d'étude par un groupe d'experts en collaboration avec la Direction générale des forêts (DGF). Mais toutes ces assurances restent perçues par les enseignants-chercheurs mobilisés pour la sauvegarde du jardin botanique comme des solutions «ridicules». «Des arbres centenaires quittant leur jardin botanique, pour y revenir après 48 mois, c'est du jamais vu ! Parler de ‘‘nomadisation'' d'arbres centenaires et de la technique de transplantation dans le contexte du parc centenaire de l'ENSA nous conduirait à tomber dans le ridicule», écrivent-ils dans un message adressé à la rédaction d'El Watan Etudiant. Pour ces contestataires qui qualifient le jardin botanique d'«écosystème unique en Algérie» et «un patrimoine national, voire universel», en citant en exemple le département de zoologie agricole, «ce laboratoire à ciel ouvert qui constitue une enclave de biodiversité inédite rassemblant des spécimens d'arbres centenaires et une collection de diverses formes végétales, sans compter les faunes avicoles et entomologiques (ayant permis) la réalisation partielle ou totale de 150 mémoires et thèses de doctorat», sont d'autant interpellés qu'il s'agit d'y installer de «simples baraques de chantier». Dans leur longue liste de griefs démontrant l'incongruité de la démarche, ces spécialistes de l'agronomie s'interrogent sur la perspicacité de la décision annoncée de détruire des maisons centenaires de ce jardin botanique et de «construire les même types de logement à côté du stade de basket». «En effet, l'engagement de Cosider à construire des villas sur les terres de l'ENSA soulève des questions fondamentales au plan économique et juridique. Pourquoi détruire des villas centenaires pour les reconstruire à l'identique ? Comment Cosider peut-elle construire des logements sur un terrain dont elle n'est pas propriétaire ? Pourquoi tant d'investissements pour l'installation de ‘‘simples baraques de chantier'' tel que le dit Cosider dans son communiqué à l'APS le 14 octobre ? Cette question de construction de villas laisse perplexe», s'étonnent-ils. Leur incompréhension et colère sont d'autant grandes que, selon eux, une alternative à la destruction même momentanée du jardin existe bien. «En face du jardin botanique dont la destruction est programmée, il existe un terrain vague qui est parfait pour accueillir des baraques de chantier», assurent ces enseignants-chercheurs. Une assurance renforcée par les déclarations du responsable de projets de Cosider qui, lors d'une intervention à la radio Chaîne III, le 15 octobre dernier, affichait sa disponibilité à étudier d'autres possibilités pour l'installation de la base de vie du chantier. «Si ce n'est pas possible, on va tenter de trouver une autre solution», avait déclaré Issaad Mahieddine. Dénonçant leur exclusion de «la décision stratégique pour l'avenir de leur établissement» et endossant l'entière responsabilité de la destruction de ce patrimoine national au directeur de l'établissement qui a donné «son accord formel», «les enseignants et étudiants engagés dans la sauvegarde de ce jardin botanique affirment qu'ils sont déterminés à défendre l'intégrité de leur établissement jusqu'à satisfaction totale de leurs revendications. Ils estiment que leur mobilisation qui prend une dimension nationale est dans l'intérêt de la formation et de la recherche agronomiques, indissociables de la sécurité alimentaire de l'Algérie», affirment les rédacteurs du message. La mobilisation continue donc.