La Banque mondiale vient de publier son classement Doing Business 2016. L'Algérie y passe du 161e au 163e rang sur 188 pays, très en deçà en termes de performances par rapport à ses voisins immédiats, la Tunisie et le Maroc, respectivement classés à la 74e et 75e places. Cette annonce s'inscrit dans un contexte déjà marqué par la dégradation des indicateurs macroéconomiques et financiers (déficit croissant de la balance courante et du solde budgétaire, chute du dinar, contraction de la liquidité bancaire) et du tarissement des investissements directs étrangers (IDE) qui pèsent sur les perspectives à court et moyen termes de la quatrième économie d'Afrique en termes de PIB après le Nigeria, l'Afrique du Sud et l'Egypte. Selon la Banque mondiale, l'Algérie est particulièrement à la traîne sur deux dimensions qui tirent le pays vers les abysses du classement, à savoir les conditions d'accès aux prêts bancaires et les conditions du commerce transfrontalier. Concernant l'accès aux prêts bancaires, l'organisation internationale pointe la faible capacité de mobilisation des actifs et collatéraux dans le cadre des opérations de prêt en Algérie, ainsi que le manque d'informations partagées sur la qualité de crédit des emprunteurs. Le constat est particulièrement sévère puisque l'Algérie est classée au 174e rang mondial sur cette dimension du climat des affaires. Sans invalider le constat général, il convient de souligner toutefois les progrès accomplis récemment par la Banque d'Algérie, avec le lancement, en septembre 2015, d'une Centrale des risques sur les entreprises et les ménages (cnem) qui prélude à une réouverture du crédit à la consommation et s'accompagne d'une modernisation des systèmes d'information et de gestion des risques des grandes banques publiques. Cette réalisation importante n'a pas été prise en compte dans le classement Doing Business 2016 arrêté en juin 2015. En ce qui concerne le commerce transfrontalier, la Banque mondiale souligne la complexité, la durée et le coût des procédures, tant à l'export qu'à l'import, placent l'Algérie très en deçà de ses principaux partenaires commerciaux. Le constat est là encore très sévère. Paradoxalement, cela n'a pas empêché une explosion du volume des importations sur les 15 dernières années. Visiblement, les lourdeurs et les freins évoqués par la Banque mondiale n'ont pas constitué des obstacles insurmontables pour les importateurs, qui ont déployé une ingéniosité à toute épreuve pour arriver à leurs fins. Néanmoins, ces obstacles limitent considérablement le potentiel de développement des exportations hors hydrocarbures qui constituent, pourtant, une impérieuse nécessité pour le pays. Là encore, il faut souligner le lancement d'importants chantiers de modernisation tant au niveau des Douanes que des infrastructures portuaires, par lesquelles transite l'essentiel du commerce transfrontalier algérien. Le nouveau directeur général des Douanes, nommé en septembre 2015, a annoncé le lancement de chantiers de modernisation en concertation avec les milieux d'affaires. Les infrastructures portuaires existantes ont, quant à elles, été en partie étendues et confiées à des opérateurs internationaux, à l'instar de DP World qui a pris en charge la gestion des ports d'Alger et de Djendjen depuis 2009. En outre, le gouvernement algérien a annoncé le lancement en 2016 d'un projet de mégaport à 100 km à l'est d'Alger, qui pourrait s'étendre sur 1000 hectares, auquel serait associée une zone industrielle et logistique de 300 hectares, pour un coût prévisionnel de 2 milliards de dollars. De manière générale, le classement Doing Business souligne la prégnance trop forte de la bureaucratie et des procédures administratives qui empêchent l'Algérie de valoriser son potentiel économique et humain considérable. Ce classement véhicule une vision néo-libérale de l'économie – le fameux consensus de Washington – et, à ce titre, il présente quelques limites conceptuelles et pratiques. Il ne reflète pas les efforts engagés depuis des années par les autorités algériennes pour promouvoir les PME, à travers le programme national de mise à niveau des PME lancé en 2010 et doté de près de 4 milliards de dollars, ainsi que divers dispositifs pour encourager la création d'entreprise par les jeunes et les chômeurs (Ansej, CNAC, Angem) qui ont bénéficié de ressources financières considérables. Il ne reflète pas non plus l'investissement considérable réalisé par l'Etat dans les infrastructures domestiques de transport, d'énergie et de fourniture en eau qui profitent aux opérateurs économiques. Néanmoins, en dépit de ses limites, ce classement, élaboré par une organisation internationale qui fait référence en la matière, est un appel à l'action. Qu'on l'aime ou pas, il constitue une boussole incontournable pour les investisseurs étrangers dont l'Algérie a aujourd'hui plus que jamais besoin.