L'écrivaine argentine, Maria Téresa Andruetto, se rend pour la première fois en Afrique. Borges est un centre pour les auteurs argentins. Il n'y a pas un auteur argentin qui ne doit pas à Borges une influence ou qui n'a pas été sous son ombre», a déclaré samedi la romancière argentine Maria Teresa Andruetto lors d'une conférence sur son œuvre à la salle du pavillon central au 20e Salon international du livre d'Alger (SILA) qui se poursuivra jusqu'au 7 novembre au Palais des expositions des Pins maritimes (Safex). Jorge Luis Borges (mort en 1986) a révolutionné la littérature sud-américaine par des écrits poétiques, plutôt fantastiques, marqués par un regard philosophique sur l'humain et sur la marche du monde. Malgré son audience mondiale, l'auteur de La loterie à Babylone n'a jamais eu le prix Nobel de littérature. Le comité Nobel a, depuis sa création, raté plusieurs marches. «La génération qui m'a précédée a lutté contre l'influence de Borges. Il s'agit surtout d'écrivains influencés par la littérature européenne et vivant à Buenos Aires. Par contre, ma génération, plutôt rurale, a fait la paix avec le grand maître. Sa littérature est plus réaliste et politique. Pour moi, Borges regroupe toutes les littératures de l'époque. Son influence sera éternelle», a-t-elle prévu. Enfants des bourreaux et des victimes La littérature argentine contemporaine est en rupture avec les codes politiques hérités de la période post-Opération Condor (élimination des opposants, disparitions forcées…) des années 1970. Cette période sombre de l'Argentine a grandement influencé la littérature de ce pays connu pour la diversité ethnique de sa population. Maria Teresa Andruetto a relevé que les écrivains ont abordé les traumatismes sociaux et politiques de «la sale guerre» de différentes manières, avec un véritable «cycle» de romans. «D'abord, on a relaté les faits. Ensuite, on s'est intéressés aux enfants des bourreaux et des victimes, raconté l'histoire du point de vue de ces enfants. Pour ma part, j'ai tenté de comprendre cette période dans le roman La mujer en cuestion (La femme en question). Différents personnages parlent tous d'une seule femme. Certains l'acceptent, d'autres la rejettent et d'autres encore la critiquent. Il y a donc différentes opinions. Dans mon roman Lengua madré, je parle d'un personnage qui tente de comprendre ce qui est arrivé à sa mère et dans un autre, de ce qui est arrivé à son père», a-t-elle confié. L'œuvre de La escritora Maria Teresa Andruetto est riche. Plusieurs romans ont été primés, comme Tama. Elle a également publié des recueils de poésie, des textes de théâtre et des romans comme, entre autres, Beatriz, Veladuras, Palabras al rescoldo ou Sueno americano… Elle traite de thèmes variés, tels que l'identité sociale, l'amour, le voyage sous toutes ses formes, la migration, la piété, la solidarité, la relation mère-fille. Elle publie également des livres destinés aux enfants, comme El pais de Juan ou El arbol de lilas. Elle ne «stagne» pas dans le même style d'écriture, alterne romans, contes et poésie. Maria Teresa Andruetto organise depuis au moins trente ans des ateliers pour aider les jeunes écrivains à s'engager sur la voie littéraire. Certains d'entre eux publient déjà des romans et des nouvelles. «Je les aide à arranger leur style, à être édités. Pour devenir bon écrivain, il faut lire beaucoup, écouter la musicalité de la langue, voir au-delà des apparences et être fidèle à soi-même. La difficulté est de trouver un style personnel», a-t-elle souligné. Selon elle, il n'existe pas un parcours précis qu'un écrivain doit suivre. «C'est plutôt le résultat d'un cheminement personnel. Les écrivains qui réussissent sont ceux qui ‘‘dévient'' de la voie qu'on veut leur tracer. Les études de lettres à l'université ne forment pas forcément un écrivain. L'université forme des chercheurs ou des enseignants. En Argentine, la plupart des romanciers sont des autodidactes», a-t-elle noté. Existe-t-il des lignes rouges à la littérature argentine d'aujourd'hui ? «La censure et l'autocensure existaient à l'époque de la dictature. Après cette période, les lecteurs s'étaient intéressés beaucoup à la politique dans la littérature. Aujourd'hui, le marché impose ses règles et la littérature superficielle domine», a regretté Maria Teresa Andruetto. La littérature sud-américaine se porte «comme un charme» Selon elle, la littérature sud-américaine se porte «comme un charme». «A l'époque du boom, il y avait une politique éditoriale dynamique, on lisait beaucoup les auteurs argentins. Aujourd'hui, la littérature sud-américaine est toujours aussi riche. Il y a toujours autant d'écrits et d'auteurs», a-t-elle rassuré. Le boom littéraire est un mouvement né dans les années 1960 et s'est étalé sur une vingtaine d'années avec des auteurs tels que Carlos Fuentes, Ernesto Sabato ou Gabriel Garcia Marquez. Maria Teresa Andruetto a regretté qu'elle ne soit pas encore traduite à la langue arabe et s'est dit ravie de visiter l'Afrique et l'Algérie pour la première fois. Son prochain roman traitera d'une histoire d'un garçon qui découvre son père à la télévision. Leïla Boukli, qui a modéré le débat, a souhaité une autre visite de Maria Teresa Andruetto en Algérie pour explorer davantage son œuvre littéraire. Les organisateurs du SILA devraient inviter plusieurs auteurs sud-américains pour débattre et redécouvrir la littérature merveilleuse de cette région du monde.