Dans ce village, la vie est très dure. Extrêmement éprouvante qu'on est souvent pris par cette envie irrésistible de prendre la poudre d'escampette et aller vivoter sous d'autres altitudes plus clémentes. Et pour preuve, la terrible tempête de neige de 2011(encore vivace dans la mémoire collective), a levé la couverture sur toute l'étendue de la précarité et la détresse sociale des riverains. Il faut vivre à Minar Zaraza ou, du moins y passer quelque temps, pour mesurer l'ampleur de la déchéance sociale et de l'isolement étouffant de cette commune de plus de 22 000 âmes. Dans cette région difficile d'accès en raison de ses reliefs accidentés, les riverains tentent tant bien que mal de tirer leur pitance de l'agriculture traditionnelle : élevage, apiculture, oliveraies et plantations d'arbres fruitiers. La jeunesse est abandonnée à son triste sort. Les installations de détente et de loisirs y sont réduites à la portion congrue et les activités sportives et culturelles sont quasiment bannies du lexique local. Le développement claironné à cor et à cri peine à faire son incursion dans les chaumières de cette municipalité qui a pour chef-lieu de daïra Tassadane Haddada. «La localité est privée de programmes de logements conséquents sous prétexte que les reliefs difficiles constituent une entrave à la réalisation de ces projets», tonne un responsable administratif. De nombreux jeunes ont, en désespoir de cause, quitté les lieux en quête de cieux plus cléments. Le chômage endémique, le malvivre et l'absence de perspectives ont poussé ces derniers à tenter leur chance ailleurs. «L'inexistence d'un tissu industriel devant atténuer la portée du chômage a poussé la plupart des personnes en âge de travailler à partir s'exiler à Alger et ailleurs, qui pour bosser dans des chantiers et qui pour dégoter un job dans les secteurs de la restauration ou de la construction», souligne-t-on. Non sans une pointe d'ironie, une autre personne abonde dans le même sens : «Comme leurs devanciers ont, pour la grande majorité, réussi leur aventure, des dizaines de jeunes, voire des pères de famille, n'ont pas résisté aux chants des sirènes. La capitale du pays exerce sur eux une emprise telle qu'on l'affuble localement de circonscription relevant de Minar Zaraza». La hantise de l'hiver Pas uniquement ceux de Minar Zaraza, mais l'ensemble des habitants, nous raconte-t-on, de toute la bande nord montagneuse de la wilaya, éprouve une certaine peur à l'approche de l'hiver. En raison, nous dit-on, des mémorables intempéries de neige du début du mos de février 2011. Depuis lors, les tempêtes hivernales faisaient peur, voire semaient une certaine panique parmi les riverains. D'autant plus que les routes et les raccourcis, bloqués par la poudreuse, rendaient très difficile l'accès des équipes de secours. En tout état de cause, les villageois ont subi, comme un couperet, cette terrible tempête de neige que les campagnards n'oublieront pas de sitôt. Coupées des autres régions du pays, en raison du blocage des routes par la neige, qui avait atteint dans certains endroits, les 2 mètres, les habitants de Tamoula (agglomération secondaire après le chef-lieu communal) et d'Amzal 1 et 2, en rupture de vivres et de gaz butane, avaient frôlé la catastrophe. Des convois humanitaires acheminaient une équipe médicale de médecins spécialistes portés volontaires pour dispenser les soins nécessaires aux habitants et aux victimes des intempéries. Une foultitude de montagnards et résidents des chaumières étaient complètement paralysés pour ne pas dire ensevelies sous la poudreuse. Un grand élan de solidarité se tissait entre les villageois. Des escouades d'enfants s'affairaient à dégager la neige devant leurs maisons. Devant la salle des soins d'El Annacer, une bourgade abritant près de 200 familles, les habitants que nous avons rencontrés regrettent que cette structure médicale soit à l'abandon. «Auparavant, le médecin venait pour ausculter les malades tous les jeudis et dimanches, ce n'est plus le cas maintenant», attestaient-ils. A quelques encablures de là, sur le panneau délimitant les wilayas de Mila et Jijel, la première circonscription est barrée de bout en bout avec de la peinture noire. Signe édifiant du ras-le-bol des montagnards de ces bourgades excentrées qui, chuchotaient-on, revendiquait leur annexion à la 2e wilaya citée. A. H., 71 ans, évoque ces éprouvantes journées: «Depuis 1965, je n'ai pas vécu un hiver aussi rigoureux. Les gens étaient à court de semoule, de gaz butane, de médicaments et de soins, mais une fois les routes dégagées et les secours parvenus, tout était rentré dans l'ordre». En tout état de cause, les villageois étaient unanimes à attester qu'«ils n'oublieront pas de sitôt les terribles épreuves endurées».