La déchéance sociale est à son paroxysme dans cette commune montagneuse. Les récentes intempéries ont accentué l'immense précarité de la population. Il faut vivre à Minar Zaraza, du moins passer quelque temps pour mesurer l'ampleur de la précarité sociale et de l'isolement étouffant de cette commune de 22 500 âmes. Dans cette région difficile d'accès en raison de ses reliefs accidentés, les riverains tentent tant bien que mal de tirer leur pitance de l'agriculture traditionnelle: élevage, apiculture, oliveraies et plantations d'arbres fruitiers. La jeunesse est abandonnée à son triste sort. Les installations de détente et de loisirs y sont réduites à la portion congrue et les activités sportives et culturelles sont quasiment bannies du lexique local. Le développement claironné à cor et à cri peine à faire son incursion dans les chaumières de cette municipalité qui a pour chef-lieu de daïra Tassadane Haddada. «La localité est privée de programmes de logements sous prétexte que les reliefs difficiles constituent une entrave à la réalisation de ces projets», tonne un responsable administratif. Des centaines de jeunes ont, en désespoir de cause, quitté les lieux en quête de cieux plus cléments. Le chômage endémique, le mal-vivre et l'absence de perspectives ont poussé ces derniers à tenter leur chance ailleurs. «L'inexistence d'un tissu industriel devant atténuer la portée du chômage a poussé la plupart de nos enfants en âge de travailler à partir s'exiler à Alger, qui pour bosser dans un chantier et qui pour dégoter un job dans les secteurs de la restauration ou de la construction», souligne un cadre de l'APC. Non sans une pointe d'ironie, un élu communal abonde dans le même sens: «Comme leurs devanciers ont, pour la grande majorité, réussi leur aventure, de nombreux autres jeunes, voire des pères de famille, n'ont pas résisté au chant des sirènes. La capitale exerce sur eux une emprise telle qu'on l'affuble (Alger) localement de circonscription relevant de Minar Zaraza.»Et comme un malheur n'arrive jamais seul, les villageois ont subi comme un couperet la terrible tempête de neige de ce début février. La localité a frôlé la catastrophe Coupés du reste du monde en raison du blocage des routes par la neige qui a atteint par endroits les 2 m, les habitants de Tamoula (agglomération secondaire après le chef-lieu communal), d'Amzal 1 et 2, en rupture de vivres et de gaz butane, ont frôlé la catastrophe. Dans le convoi humanitaire qui acheminait une équipe médicale de médecins spécialistes qui se sont portés volontaires pour dispenser des soins aux habitants en désarroi et aux victimes des intempéries, nous avons constaté de visu des ensembles d'habitations et des chaumières complètement paralysés pour ne pas dire ensevelies sous la poudreuse. Sur notre chemin vers Tamentout et El Annacer, nous avons découvert des escouades d'enfants s'affairer à dégager la neige devant leurs maisons. En cours de route, le chauffeur d'une Mazda camionnette, aux aguets, interpellera le chauffeur du véhicule de la Protection civile qui nous servait de moyen de locomotion: «N'avez-vous pas croisé en contrebas le camion distributeur de bonbonnes de gaz?» Devant la salle de soins d'El Annacer, une bourgade abritant près de 200 familles, N.-E. C., (la soixantaine) et son compagnon T. S., regrettent que cette structure médicale soit à l'abandon. «Auparavant, le médecin venait y consulter les malades tous les jeudis et dimanches, ce n'est plus le cas maintenant», attestent-ils. A quelques encablures de là, sur le panneau délimitant les wilayas de Mila et Jijel, la première circonscription est barrée de bout en bout avec de la peinture noire. Signe édifiant, si besoin est, du ras-le-bol des montagnards de ces bourgades excentrées qui, chuchotent-on, revendiquent leur annexion à la 2ème wilaya citée. A. H., 71 ans, évoque ces éprouvantes journées: «Depuis 1965 je n'ai pas vécu un hiver aussi rigoureux. Les gens étaient à court de semoule, de gaz butane, de médicaments et de soins, mais une fois les routes dégagées et les secours parvenus tout est rentré dans l'ordre.» En tout état de cause, les villageois sont unanimes à dire qu'ils n'oublieront pas de sitôt les terribles épreuves endurées.