L 'Arabe, c'est le chien qui mord si on recule» ; «L' islam est en soi une monstruosité» ; «Qui dit Arabe dit voleur, sans exception» : si Gérard de Nerval, Gustave Flaubert et Guy de Maupassant s'autorisent de telles âneries, comment s'étonner que l'Européen de base et le Français en particulier porte sur les Arabes un jugement si souvent péjoratif ? On a beau être prévenu, on ne peut qu'être stupéfait de la bêtise et de la méchanceté des propos que tant d'Occidentaux ont tenus et tiennent encore sur les Arabes. Et on lira avec le plus grand profit l'ouvrage remarquable qu'un historien, spécialiste de l'islam, Malik Bezouh, consacre à ces préjugés qui brouillent encore et salissent, en France comme en Europe, l'image des Arabes. Orchestrée pendant des siècles par l'Eglise catholique, dont les papes et les prêtres déversent sur l'islam des monceaux d'injures et des tonnes de stupidités - «Excréments de la race humaine,… les Sarrasins s'accouplent comme des chiens», proclame J. de Vitry, un prêtre du XIIIe siècle, tandis que le pape Léon IV les accuse d'«accointances avec le diable» - l'islamophobie, dès le IXe siècle, imprègne les jugements de la plupart des Européens sur l'islam et les Arabes. Des évêques, des hommes d'église décrètent que «Mahomet est le messager du diable», une caricature - déjà - le représente «sous les traits d'un animal hybride, quasi diabolique» et les jugements de la plupart des notables sont d'une sinistre stupidité : à les lire, les Arabes sont «des paresseux, des voleurs», des «brutes sanguinaires» assurées de «s'en aller droit au ciel s'il leur advient de tuer un chrétien… Se vautrant comme des pourceaux dans les impuretés charnelles…, ils abhorrent le travail et ne font gloire que de leur seule fainéantise». Dans son premier dictionnaire, l'Académie française définit l'Arabe comme un être «avare, qui rapine sur tout et exige au-delà de la justice». Le «siècle des lumières» reprend à son compte ces diffamations, et l'Encyclopédie, à laquelle «collabore la fine fleur de l'élite philosophique», précise dans l'article «Sarrasin» que «les Arabes sont des gens que nous ne devons jamais souhaiter d'avoir comme amis, (car) ils ravagent tout ce qu'ils trouvent». Très peu d'intellectuels - Montaigne, Rabelais, Erasme - dénoncent ces inepties : la plupart, ou bien se taisent, ou bien s'associent à tous ceux - la majorité - qui refusent aux Arabes toute humanité. L'essor de l'imprimerie permettra à ces préjugés de contaminer de plus en plus largement la mentalité des Européens en général et des Français en particulier, ils se diffuseront sans rencontrer la moindre résistance et, comme l'écrit Malik Bezouh, «ils se nicheront dans les plis et replis de l'imaginaire français», qu'ils infectent encore très largement.