Au XVIIIe siècle, en France, Voltaire essaya, par ses écrits, d'amener une réforme des structures sociales et judiciaires de l'époque. L'Eglise enseignait que l'autorité pour déterminer ce qui était bon et ce qui était mauvais était entièrement dévolue au roi par Dieu, qui était complètement au-dessus des lois et que son bon plaisir était la loi, car l'Eglise inculquait à la l'opinion générale le respect de la monarchie de droit divin et en retour, le roi protégeait l'autorité de l'Eglise catholique en France où régnait un système de contrôle des consciences, où tant que le peuple croyait au droit divin des rois , les rois et l'Eglise maintenaient leurs privilèges par rapport au reste de la population. En cette période de l'histoire de la France, Il n'était pas facile d'être un écrivain favorable à la réforme de la société, car tous les écrits étaient examinés par les censeurs officiels avant de pouvoir être publiés. En 1741 il y avait soixante-seize censeurs officiels et avant que chaque livre n'obtienne « la permission et le privilège du roi », le censeur devait attester que le livre ne contenait rien de contraire à la religion, à l'ordre public ou aux bonnes mœurs. Un livre publié sans la permission du gouvernement pouvait être brûlé par l'exécuteur public, l'imprimeur et l'auteur arrêté et mis en prison. En cette période obscure de la France, beaucoup d'œuvres de Voltaire furent brûlées par l'exécuteur public. Voltaire est connu pour ses écrits philosophiques, pour sa grande ironie et pour sa lutte contre l'injustice, l'intolérance, la cruauté et la guerre. Au XVIIIe siècle, il était l'écrivain qui menait le combat pour des réformes politiques et sociales dont on parlait le plus. Comme ses écrits critiquaient le roi et l'Eglise, il vécut la plus grande partie de sa vie dans la crainte constante d'être emprisonné, c'est pourquoi il passa relativement peu d'années à Paris, car y séjourner était pour lui soit interdit, soit trop dangereux. Voltaire, qui est né le 21 novembre 1694 et vécut jusqu'à l'âge de 83 ans, avait choisit la carrière des Lettres contre la volonté de son père, qui disait qu'il ne pourrait pas vivre de sa plume et pourtant quand il avait une quarantaine d'années, Voltaire était à la fois un écrivain renommé et un homme riche parce qu'à cette époque où la culture française dominait en Europe, Voltaire dominait la culture française et son œuvre comprenait un vaste ensemble d'écrits dans tous les genres littéraires, dont 56 pièces de théâtre, des dialogues, des ouvrages historiques, des romans et des contes, des vers et de la poésie épique, des essais, des articles scientifiques et culturels, des pamphlets, de la critique littéraire et plus de 20 000 lettres. Ses écrits ont eu une grande influence sur la Révolution française de 1789 et sur la Révolution américaine de 1776. Comme l'antisémitisme était au XVIIIe siècle un lieu commun de la pensée générale depuis au moins le Moyen-Âge et malgré que Voltaire était aussi écrivain que philosophe, il ne faisait que souscrire à une opinion publique largement répandue parmi ses contemporains, car même s'il disait que « je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire », il a exprimé clairement ses pensées sur les Sémites, en disant que « si nous lisions l'histoire des juifs écrite par un auteur d'une autre nation, nous aurions peine à croire qu'il y ait eu en effet un peuple fugitif d'Egypte qui soit venu par ordre exprès de Dieu immoler sept ou huit petites nations qu'il ne connaissait pas ; égorger sans miséricorde les femmes, les vieillards et les enfants à la mamelle, et ne réserver que les petites filles ; que ce peuple saint ait été puni par son Dieu quand il avait été assez criminel pour épargner un seul homme dévoué à l'anathème. Nous ne croirions pas qu'un peuple si abominable (les juifs) eut pu exister sur la terre. Mais comme cette nation elle-même nous rapporte tous ses faits dans ses livres saints, il faut la croire. » Toujours superstitieuse, toujours avide du bien d'autrui, toujours barbare, rampante dans le malheur, et insolente dans la prospérité, voilà ce que furent les juifs aux yeux des Grecs et des Romains qui purent lire leurs livres. Si Dieu avait exaucé toutes les prières de son peuple, il ne serait resté que des juifs sur la terre ; car ils détestaient toutes les nations, ils en étaient détestés ; et en demandant sans cesse que Dieu exterminât tous ceux qu'ils haïssaient, ils semblaient demander la ruine de la terre entière. On ne voit au contraire, dans toutes les annales du peuple hébreu, aucune action généreuse. Ils ne connaissent ni l'hospitalité, ni la libéralité, ni la clémence. Leur souverain bonheur est d'exercer l'usure avec les étrangers ; et cet esprit d'usure, principe de toute lâcheté, est tellement enraciné dans leur cœur, que c'est l'objet continuel des figures qu'ils emploient dans l'espèce d'éloquence qui leur est propre. Leur gloire est de mettre à feu et à sang les petits villages dont ils peuvent s'emparer. Ils égorgent les vieillards et les enfants ; ils ne réservent que les filles nubiles ; ils assassinent leurs maîtres quand ils sont esclaves ; ils ne savent jamais pardonner quand ils sont vainqueurs : ils sont ennemis du genre humain. Nulle politesse, nulle science, nul art perfectionné dans aucun temps, chez cette nation atroce. Dans son article intitulé Juifs, Voltaire précisait : « Si vous m'ordonnez de vous faire un tableau fidèle de l'esprit des juifs et de leur histoire et, sans entrer dans les voies ineffables de la Providence, vous cherchez dans les mœurs de ce peuple la source des événements que cette Providence a préparé. Ils sont les derniers de tous les peuples parmi les musulmans et les chrétiens, et ils se croient les premiers. Cet orgueil dans leur abaissement est justifié par une raison sans réplique ; c'est qu'ils sont réellement les pères des chrétiens et des musulmans. Les religions chrétienne et musulmane reconnaissent la juive pour leur mère ; et, par une contradiction singulière, elles ont à la fois pour cette mère du respect et de l'horreur. Mais il résulte de ce tableau raccourci que les Hébreux ont presque toujours été ou errants, ou brigands, ou esclaves, ou séditieux : ils sont encore vagabonds aujourd'hui sur la terre, et en horreur aux hommes, assurant que le ciel et la terre, et tous les hommes, ont été créés pour eux seuls. » Dans sa relation avec le théâtre, Voltaire pensait qu'en comparaison à ses autres écrits, l'histoire retiendrait que ses pièces sont assez médiocres même après le mitige succès de la représentation à Lille en avril 1741 de sa pièce théâtrale intitulée Mahomet ou le Fanatisme et qui sera interdite à la Comédie-Française de Paris après trois représentations. Cette pièce pourra encore revenir aujourd'hui, surtout quand on sait que dernièrement en Allemagne, des artistes ont encore une fois fait la tentative de faire son éloge, juste à quelques jours du cinquième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Le prophète Mohamed (QSSSL), que la majorité des occidentaux considèrent comme le fondateur de l'Islam, y est décrit dans cette pièce théâtrale de Voltaire, nommé malignement Mahomet ou le Fanatisme, comme un pillard et un massacreur, ce qui est pour eux conforme avec l'histoire, car même en 1975, dans la traduction du livre sacré Le Coran de l'édition Garnier Flammarion, il représentait encore Mohamed (QSSSL), comme celui qui disait les versets du Coran et non comme un prophète qui prêchait la parole de Dieu. Avec cette pièce théâtrale, Voltaire en avait donc particulièrement aux musulmans et à leur foi, comme il en avait, dans le passé, par ses différents écrits aux juifs et aux prêtres de son époque, car dans sa lettre de 1740 écrite à Frédérique II, roi de Prusse, Voltaire confirmait sa pensée sur l'Islam et son prophète tout en justifiant la véracité de sa pièce sur « Mahomet » lorsqu'il lui disait que « Mahomet est un marchand de chameaux, excite une sédition dans sa bourgade ; qu'associé à quelques malheureux coracites ; il les persuade qu'il s'entretient avec l'ange Gabriel ; qu'il se vante d'avoir été ravi au ciel, et d'y avoir reçu une partie de ce livre inintelligible…, il porte dans sa patrie le fer et la flamme ; qu'il égorge les pères, qu'il ravisse les filles, qu'il donne aux vaincus le choix de sa religion ou de la mort, c'est assurément ce que nul homme ne peut excuser, à moins qu'il ne soit né Turc, et que la superstition n'étouffe en lui toute lumière naturelle ». En 1760, en réponse à la Critique de l'Histoire universelle de Voltaire au sujet de « Mahomet » et du mahométisme, Voltaire avait ajouté : « J'ai dit que Mahomet enseignait aux Arabes, adorateur des étoiles, qu'il ne fallait adorer que le dieu qui les a faites. Je suis fâché d'être obligé d'avouer ici que j'ai eu raison : car malheureusement le mot sabba en arabe signifie l'armée des cieux ; et c'est de là que le sabbisme prit son nom, et que vient chez les Hébreux le mot sabbahot, comme je crois l'avoir prouvé ci-dessus. Les Arabes adoraient Misam, le Soleil, Mostari, Jupiter, Azad, Mercure. Je n'ai dit nulle part qu'ils n'avaient point d'autres dieux ; je suis même si savant que j'affirme qu'ils avaient des déesses. » Non seulement Voltaire, qui est considéré comme le père de la langue française et qui est aussi écrivain que philosophe, a fait des affirmations erronées dans ces lettres, mais il avait écrit cette pièce théâtrale intitulée Mahomet ou le Fanatisme sur une pulsion majorée par une recherche bibliographique et biographique totale erronée de la vérité, sinon comment a-t-il pu dire de ce même « Mahomet », quelques années après dans son livre intitulé Essai sur les mœurs, que « ce fut très certainement un très grand homme qui forma de grands hommes. Il joua le plus grand rôle qu'on puisse jouer sur la terre aux yeux du commun des hommes ». Si Voltaire avait tourné casaque concernant sa vision sur Mohamed (QSSSL), c'est au fil de ses découvertes pour écrire les Contes, Le Dictionnaire philosophique, Le Traité sur la tolérance et Les Petits papiers, etc., car comme la tolérance était le prétexte de tous ses combats, son Traité de tolérance, Voltaire l'observe non pas à Rome ou à Paris, mais à Constantinople (Istanbul), sous le règne de Méhmet II où il a dit : « Il est important de connaître que les Turcs (musulmans) ne traitent pas les chrétiens aussi barbarement que nous nous le figurons. Aucune nation chrétienne ne souffre que les Turcs aient chez eux une mosquée, et les Turcs permettent que tous les Grecs aient chez eux des églises. » Sitôt, rappelle Voltaire, que leur religion fut affermie, « les Arabes franchissant les limites de leur pays, dont ils n'étaient point sortis jusqu'alors, ne forcèrent jamais les étrangers à recevoir la religion musulmane. Ils donnèrent toujours le choix aux peuples subjugués d'être musulmans ou de payer tribut ». Malgré ses différentes critiques sur l'Islam et sa pièce théâtrale de 1741 sur le prophète Mohamed (QSSSL), que l'Islam a réussi à intéresser Voltaire le philosophe, car il était convaincu que la religion musulmane est restée « après douze cents ans, ce qu'elle fut sous son fondateur car on n'y a rien changé » et que l'Islam est une religion beaucoup plus sensée que le christianisme car « on n'y adorait point un juif en abhorrant les juifs ; on n'y appelait point une juive mère de Dieu et on n'y tombait pas dans le blasphème extravagant de dire que trois dieux font un dieu ; enfin on n'y mangeait pas ce dieu qu'on adorait, et on n'allait pas rendre à la selle son créateur ». Voltaire a forgé ses idées sur le monde musulman et plus particulièrement sur les Ottomans lorsqu'il a travaillé en vrai historien sur Charles XII roi de Suède et où il a découvert « la tolérance des Turcs », lorsqu'il constata dans ce travail que les Turcs non seulement recevaient les infidèles dans leur société, mais ils leur permettaient même d'avoir des activités politiques, comme le faisait Charles XII (1697-1718) réfugié à Istanbul, dans la cour ottomane entre 1709 et 1712, car pour Voltaire « c'est une chose bien surprenante de voir un chrétien (…) cabaler presque ouvertement à la Porte ». De cette tolérance, Voltaire a fait la plus grande gloire des Turcs (musulmans). A l'occasion de toute une série d'affaires rappelant tristement l'inquisition, il dénonce violemment l'intolérance chrétienne, opposée à la tolérance turque. En 1763, Voltaire disait que « toutes les sectes (toutes les religions instituées, selon Voltaire, sont des sectes par rapport à la religion naturelle, « la mer de toutes ») ont été établies par des « cabales » et par la démagogie des prêtres qui ont abusé de la naïveté des paysans et qui sont arrivés ainsi à les faire croire en des miracles puérils et à des légendes ridicules ». Voltaire considérait que cela est commun à toutes les religions, sauf à celle de « Mahomet » qui serait « la plus brillante qui, seule entre tant d'établissements humains, semble être en naissant sous la protection de Dieu ». Pour faire concession à l'Islam, Voltaire avait montré que cette religion est restée tel qu'elle était à l'époque de son fondateur et ses lois « subsistent encore dans toute leur intégrité », et nul prétendu docteur n'y a rien changé car dans tous les pays musulmans, le Coran est observé à la lettre et ce livre est respecté, autant en Perse qu'en Turquie, autant dans l'Afrique que dans les Indes. Contrairement au monde chrétien, les musulmans ne sont points divisés en sectes qui se déchirent les unes les autres. Deux seules factions existent dans l'Islam : le chiisme et le sunnisme, et cela non pas pour des raisons de dogme, mais surtout pour des problèmes de droit de succession entre Ali et Omar. Il reprend même la thèse des musulmans, concernant la déformation du christianisme primitif, instauré par Jésus, qui lui « naquit, vécut, mourut juif, dans l'observance de tous les rites juifs ». L'évolution de Voltaire sur l'Islam arrive à son point culminant avec l'examen important de milord Bolingbroke, ou le tombeau du fanatisme, intégré au recueil nécessaire, en 1766 où il s'agissait encore d'opposer Jésus à « Mahomet » et où le premier est caricaturé à outrance, « comme un chef de parti », un « gueux », un homme « de la lie du peuple », qui voulait former une secte. Or, « Mahomet » était perçu comme quelqu'un qui a établi un culte qui « était sans doute plus sensé que le christianisme ». Cependant Voltaire pensa que la religion qu'apporta « Mahomet » était donc « le simple théisme, la religion naturelle et par conséquent la seule véritable ». Voltaire ne pouvait s'empêcher de comparer la cohabitation tolérée des diverses religions dans le monde musulman, plus particulièrement dans l'Empire ottoman avec le traitement réservé aux protestants. Il justifie même les points les plus controversés de la doctrine islamique comme la polygamie, en comparaison de la situation catastrophique des femmes avant l'Islam ; mais surtout le divorce et finit par s'écrier : « Ô nations ! Comparez et jugez. » La dernière phase de Voltaire sur l'Islam se situe entre 1768 et 1772 où il revient sur certaines de ses positions intransigeantes concernant le christianisme, sans renoncer à ses convictions dans l'enseignement de l'Islam qui « sa religion est sage, sévère, chaste et humaine ; sage puisqu'elle ne tombe pas dans la démence de donner à Dieu des associés, et qu'elle n'a point de mystère ; sévère puisqu'elle défend les jeux de hasard, le vin et les liqueurs fortes, et qu'elle ordonne la prière cinq fois par jour ; chaste, puisqu'elle réduit à quatre femmes ce nombre prodigieux d'épouses qui partageaient le lit de tous les princes de l'Orient ; humaine, puisqu'elle nous ordonne l'aumône, bien plus rigoureusement que le voyage de La Mecque, ajoutez à tous ces caractères de vérité la tolérance ». Si Voltaire avait vu le prophète de l'Islam comme un fondateur et un grand homme après avoir exprimé ses premières pensées pour sa pièce théâtrale de 1741, ce n'est que parce qu'il avait compris que Mohamed (QSSSL) avait, durant les vingt-trois années de son ministère, rapporté non seulement des choses à l'esprit humain, mais avait offert également un cadre pour toutes les activités individuelles et sociales, car il soutenait non seulement le principe de l'honnêteté individuelle, mais aussi celui de la société juste qu'une telle honnêteté devait susciter, il définissait les contours d'une communauté politique de même que les grandes lignes des droits et devoirs individuels, dans lesquelles était prévu le fait de l'évolution historique. Ainsi depuis 1742 date à laquelle Voltaire avait présenté sa pièce théâtrale sur « Mahomet » à la comédie française, le chemin parcouru était long car si ce jour-là, il avait attaqué le prophète de l'Islam pour montrer comment les religions ont été établies, en 1770, il le défendait pour soutenir que d'autre peuples pouvaient penser mieux que les habitants de ce « petit tas de boue que nous appelons Europe ». Après ses périodes hostiles à toute forme de révélation et après avoir traité Moïse de sorcier, Jésus de juif fanatique et « Mahomet » d'intrépide, Voltaire, en bon élève tardif de Boulainvilliers, parlera de Mohamed (QSSSL) comme d'un « enthousiaste » et non plus comme d'un imposteur. Il montrera surtout plus d'impartialité pour sa religion qui fut pour lui le « pur théisme ». Il adopte l'idée maîtresse de Boulainvilliers qui trouvait la religion musulmane si sage « qu'il suffisait d'en faire entendre la doctrine pour soumettre les esprits » et si « proportionnée aux idées communes du genre Humain » qu'elle a été enracinée dans le cœur de « plus de la moitié des hommes en moins de 40 années ». Voltaire qui disait que « croire en un seul dieu tout-puissant était le seul dogme et si on n'y avait pas ajouté que "Mahomet" est son prophète, c'eût été une religion aussi pure, aussi belle que celle des lettrés chinois », n'ira pas plus loin, car il ne croyait pas à la Révélation et il réduirait la profession de la foi islamique à l'affirmation de l'unicité d'Allah, de son absolue transcendance, pour ne voir en Mohamed (QSSSL) qu'un grand homme qui était le fondateur de la religion de musulmane. A la suite de Voltaire, Napoléon reconnaissait aussi à « Mahomet » un certain mérite d'avoir fait évoluer la cause de la femme en réduisant le nombre des femmes qu'on pouvait épouser car avant lui, dit-il, il était indéterminé ; le riche en épousait un grand nombre ; il restreignit donc la polygamie. Il ne naît pas plus de femmes que d'hommes, pourquoi donc permettre à un homme d'avoir plusieurs femmes et pourquoi « Mahomet » n'a-t-il pas adopté la loi de Jésus-Christ sur cet article, alors qu'en Occident on n'a jamais permis qu'une seule femme ? En Orient, au contraire, elle a toujours été permise. Depuis les temps historiques, tout homme, juif ou Assyrien, Arabe ou Persan, Tartare ou Africain, a pu avoir plusieurs femmes. Selon Napoléon, on a attribué cette différence aux circonstances géographiques. L'Asie et l'Afrique sont habitées par plusieurs couleurs d'hommes et la polygamie est le seul moyen efficace de les confondre pour que le blanc ne persécute pas le Noir, ou le Noir le Blanc. La polygamie les fait naître d'une même mère ou d'un même père. Le Noir et le Blanc, étant frères, sont assis et se voient à la même table. Aussi, en Orient, aucune couleur n'affecte la supériorité sur l'autre. Mais, pour remplir ce but, « Mahomet » pensa que quatre femmes étaient suffisantes. On se demande comment il est possible de permettre quatre femmes quand il n'y a pas plus de femmes que d'hommes. C'est qu'en réalité, la polygamie ne se pratique que parmi la classe riche. Comme c'est cette classe qui forme l'opinion, la fusion des couleurs dans ces familles est suffisante pour maintenir l'union entre elles. Napoléon pensait que le jour où l'on voudrait donner la liberté aux Noirs et détruire les préjugés liés à la couleur dans les colonies françaises, le législateur autoriserait la polygamie. Malgré que Napoléon reconnaisse à Mohamed (QSSSL) un certain mérite, Voltaire qui fût agnostique sera pour l'Occident le fossoyeur de la tradition dévote sur l'Islam en France sous l'ancien régime, où les premiers représentants des élites qui ont pris position contre l'Islam sont les traditionalistes. Pour ces dévots, cette « religion mahométane » était comme la plus indigne et la plus abominable des hérésies. Les auteurs de cette tendance avaient, ou par ignorance ou par dévotion, imaginé des fables incroyables contre les musulmans et leur culte. « Mahomet » aurait été un « cardinal », un « antéchrist », excité par le diable et sujet au « mal caduc », avait établi une fausse religion. Dans son culte, on adorait les Etoiles, le Soleil et la Lune. Les adeptes de cette religion imaginaire pouvaient sans péché violer leurs serments et leurs traités avec les infidèles. Ils étaient tous exempts de peines éternelles et l'enfer n'existait pas pour eux. Mais les femmes étaient bannies de leur paradis où l'on ne recevait que les hommes. Les dévots avaient tant déclamé contre « Mahomet » et sa religion que pour toute chose absurde on disait : « C'est un dogme mahométan. » Or, la plupart des auteurs de cette tendance ne connaissaient pas l'arabe et, ne pouvant pas avoir recours aux textes écrits dans cette langue, se copiaient les uns les autres. Les moines qui, par dévotion, voulaient rendre cette religion odieuse, n'étaient pas seuls à ignorer les dogmes de l'Islam. Le reste du clergé catholique ne fait pas mieux, car le mouvement critique et philosophique attire peu d'adeptes pour une révision des jugements condamnant à la fois l'Islam et les musulmans. Bossuet dans son Discours sur l'Histoire universelle, omet « Mahomet » et sa religion et écrit uniquement que le faux prophète des Arabes a bien pu se dire envoyé de Dieu, et après avoir trompé des peuples souverainement ignorants, il a pu profiter des divisions de son voisinage pour y étendre par les armes une religion toute sensuelle, mais il n'a ni osé supposer qu'il était attendu, ou enfin il n'a pu donner à sa personne, ou à sa religion, aucune liaison réelle, ni apparente avec les siècles passés. L'expédient qu'il a trouvé pour s'en exempter est nouveau. De peur qu'on voulût chercher dans les Ecritures des juifs, il a dit que les chrétiens et les juifs avaient falsifié tous leurs livres. Ses sectateurs ignorants l'en ont cru sur sa parole. Bossuet passe sous silence l'histoire de l'Islam, mais il préfère fustiger « Mahomet » qu'il considérait comme le fondateur de cette religion. C'est dans la deuxième moitié du XVIIe siècle que le Coran fut traduit pour la première fois en français par Du Ryer. Les réimpressions de cet ouvrage se succédèrent. Les réfutateurs se servirent d'armes plus raisonnables pour mieux combattre l'Islam. Maracci et Prideaux, écrivant la biographie de « Mahomet », le firent d'un esprit plus objectif. Ce n'était plus l'affligé du mal caduc ni l'emporté par le diable qu'on avait l'habitude de peindre. Dieu l'aurait envoyé pour punir les mauvais chrétiens qui s'étaient divisés en tant de sectes ennemies. Le mobile de ses actions serait son ambition démesurée. Son culte même était interprété sous un autre jour. Maracci mettait en garde l'opinion publique contre les caractéristiques attrayantes du Coran, qui paraissaient plus conformes à la raison en comparaison à l'Evangile, ce qui pouvait constituer un danger contre l'expansion chrétienne et européenne. Par ailleurs, les nombreux voyageurs qui sillonnaient le monde musulman et plus particulièrement les territoires ottomans étaient frappés par la simplicité de l'Islam, et surtout par l'esprit de tolérance qui régnait dans l'Empire turc. Ainsi, désormais le problème se situait non pas dans une réfutation, mais surtout sur le plan de la concurrence entre les deux religions. Tournefort, tout en affirmant « la fausseté » de la religion musulmane, considère qu'elle est dangereuse, car « elle flatte beaucoup les sens, elle est d'ailleurs conforme en plusieurs points au christianisme. Le mahométisme est fondé sur la connaissance du vrai Dieu, créateur de toutes choses, sur l'amour du prochain, sur la propreté du corps, sur la vie tranquille. On y abhorre les idoles et leur culte y est scrupuleusement défendu ». On est bien loin de la haine vouée contre ces « Turcs », assimilés aux « bêtes » par exemple par Leibniz. A la suite des voyageurs, les savants, les docteurs protestants surtout se mirent plus sérieusement à l'étude du dogme et de la civilisation islamiques. Ils consultent le Coran et les sources de l'exégèse musulmane. Ils constatent la grossièreté des fables imputées à « Mahomet » et s'indignent. Bayle, dans son dictionnaire historique et critique, refuse même de passer son temps à réfuter « de semblables choses ». Ainsi les réfutations de la tradition dévote étaient pour la plupart des protestants qui, en signalant la fausseté des fables attribuées à l'Islam, voulaient ramener les fanatiques à la tolérance. Trois ans après l'apparition de l'ouvrage de Bayle, un autre protestant, l'Anglais Reland, donne en latin un long exposé sur la religion de « Mahomet ». Ce livre fut traduit d'abord en allemand, ensuite en hollandais et en anglais. La traduction française ne parut qu'en 1721. Reland connaissait l'arabe et le persan. Textes en main, il prouve la fausseté de la tradition dévote sur l'islam. Il commence par montrer que toutes les religions du monde ont été mal comprises de leurs adversaires. S'il y a des disputes continuelles entre les sectateurs de ces religions, ce n'est pas à cause de leurs dogmes en eux-mêmes, mais c'est parce que la connaissance que l'on en a est mauvaise. Il avance que parmi toutes ces religions, l'Islam est la plus maltraitée. Il se donne donc la tâche de vérifier ce que l'on avait dit et écrit jusqu'alors sur le mahométisme et, à la lecture des Ecrits de cette Secte, il trouve qu'elle a « autant de génie et de pénétration qu'il y en ait dans aucun autre peuple du monde ». Pour justifier ses affirmations, il donne un résumé des dogmes de cette religion, tout en admirant la sagesse de son fondateur. Le traducteur français de Reland, qui est né « chrétien et protestant » et qui « s'en fait gloire », essaie, dans un long passage, de prouver que tout ce qu'on avait écrit sur l'Islam, avant Reland, était faux, et que même les œuvres de Maracci et de Prideaux n'étaient pas dignes de foi. Il célèbre alors les lois de « Mahomet » et conseille aux chrétiens de les suivre : « … Nous avons beau défiguré les Mahométans, ils ont des vertus que nous pouvons leur envier. » Mais c'est à Voltaire que revient le redressement de l'image de l'Islam chez les élites des Lumières, même s'il a ouvert avec sa pièce théâtrale le chemin à ceux qui combattront le despotisme oriental au nom des valeurs civilisatrices de l'Occident car jusqu'au XXIe siècle, les Occidentaux, qui sont sages et avisés, ont affirmé avec force qu'ils n'accordaient pas plus importance à l'Alcoran qu'à un ciron et les élites, qui ne se croyaient pas supérieures au peuple, ont partagé la même indifférence, allant même jusqu'à se moquer du messager d'Allah et des croyances des musulmans. Comme la plupart des écrivains occidentaux, pendant des siècles, les écrivains français ont exprimé sur l'Islam, sur « Mahomet », sur les musulmans, sur la Turquie, sur les Turcs, etc., des critiques qui seraient jugées islamophobes aujourd'hui. Dans La Légende des Siècles (Partie III l'Islam), Victor Hugo condense en quatre vers insolents et féroces ce qu'il pense du divin « Mahomet », dont il dit qu'il était aussi têtu que sa mule et aussi ignorant que son âne lorsqu'il écrit que « le divin Mahomet enfourchait tour à tour son mulet Daïdol et son âne Yafour, car le sage lui-même a, selon l'occurrence, son jour d'entêtement et son jour d'ignorance ». L'histoire, hélas, est souvent plus ironique au point que ce qui était inconcevable il y a trois siècles finit par se réaliser sous nos yeux, car suite à la publication du livre de Selman Rushdie dans les années 1980, en 1993 des comédiens de la ville de Genève la tolérante, pour célébrer le 300e anniversaire de la naissance de Voltaire, ont projeté de représenter la pièce théâtrale de Voltaire de 1741, mais craignant les réactions de la communauté musulmane, la ville avait retiré sa subvention au projet, qui le capota. En 2006, un journal Danois avait publié une série de caricatures sur le prophète Mohamed (QSSSL), qui a coûté cher au beurre danois, juste à quelques mois avant les propos du pape Benoît XVI, qui s'est rappelé les dires d'un roi byzantin dérangé par une religion émergente, pour lancer volontairement un pavé dans la mare, comme pour confirmer la tendance occidentale à considérer la science comme un phénomène purement européen lorsqu'il rapporta que « pour la doctrine musulmane, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, pas même celle de la raison » et tout en oubliant que même notre écriture, la notion du zéro et les démonstrations mathématiques sont nés aux premiers temps historiques de l'Islam, mais encore, que les sciences exactes ou la méthode expérimentale, dont la modernité est si fière, proviennent de ce qu'on appelle aujourd'hui la civilisation musulmane. Indéniablement, le nom même de cette civilisation évoque ce fait que la sagesse et la science occidentale ont leurs racines dans le monde islamique et que l'histoire de l'Occident et celle de l'Islam ne sont pas deux lignes parallèles, avec quelques traits d'union ou de désunion occasionnels, mais ce sont des trajets intimement mêlés, qui apparaît non seulement comme un pont entre l'Orient et l'Occident, mais aussi comme un pont entre l'antiquité et la modernité.