Lifting du droit de préemption, recentrage des missions de l'ANDI, obligation d'un seuil minimum de capital pour les investisseurs étrangers devant bénéficier d'avantages, le nouveau code des investissements est loin de constituer une révolution. Pour certains chefs d'entreprise qui l'ont attendu longtemps, il sera loin de répondre à toutes leurs préoccupations, dont certaines continuent à tourner autour des questions du foncier, du financement et de la bureaucratie. Dans ses exposés des motifs, le gouvernement a cependant reconnu des approximations qui ont donné lieu par le passé à des mesures qu'il juge aujourd'hui inefficaces, opaques et inapplicables sur le terrain. Dans le texte, les autorités en charge de promouvoir l'investissement affichent parfois une volonté de faciliter l'acte d'investir sur le plan administratif. Mais, comme s'accordent à le dire experts et investisseurs, au-delà du contenu des lois, le problème en Algérie réside davantage dans leur application. Plus grave encore, c'est l'absence d'une vision claire et partagée avec les principaux acteurs économiques qui fait défaut, pour reprendre les propos de Slim Othmani, PDG de Nca Rouiba. Même avec en ligne de mire l'objectif de diversifier l'économie nationale, le nouveau code des investissements, encore au stade du projet, est loin de constituer une révolution. Le nouveau texte abroge certaines mesures, en réajuste d'autres, revoit le système d'incitation et redéfinit les missions de l'ANDI (agence nationale pour le développement des investissements). Des mesures qui ne seront pas applicables tout de suite, puisque la moitié des 39 articles du nouveau code de l'investissement doivent attendre des textes d'applications. Une condition coupable d'avoir, par le passé, bloqué des investissements, de l'aveu même des auteurs du document. Il est à constater que le gouvernement fait son mea culpa par rapport à des mesures qu'il juge après coup inefficaces, inutiles, opaques, contradictoires et inapplicables sur le terrain. Il tente de rectifier le tir, notamment sur les questions les plus controversées sur lesquelles il a été dépassé par le passé. Mais le gouvernement semble n'avoir répondu que partiellement aux attentes des chefs d'entreprise dont les premières préoccupations tournent encore autour des délais de traitement des dossiers et de l'accès au foncier. A première vue, le texte se veut facilitateur avec la suppression de la procédure actuelle de déclaration des investissements remplacée par un simple enregistrement de l'investisseur donnant lieu à la délivrance d'une attestation, séance tenante et ouvrant droit à l'automaticité des avantages octroyés. La règle du 51/49 est retirée de la loi sur l'investissement et intégrée dans la loi de finances 2016 où elle est élargie aux sociétés d'importation. Une manière de «l'inscrire dans le marbre», estiment certains experts. Droit de préemption revisité Sur le droit de préemption, l'Etat encore traumatisé par les affaires Djezzy et Lafarge a tenté de rattraper le coup. Le droit de préemption n'est pas systématique, mais il est déclenché par l'opérateur étranger possédant des parts dans des entreprises de droit algérien (et ayant bénéficié d'avantages), s'il n'informe pas préalablement le Conseil des participations de l'Etat de toute cession d'actifs ou de parts sociales à l'international supérieurs à 10%. Une «parade» par rapport à ce que le gouvernement ne pouvait pas faire dans les affaires précédentes. Le gouvernement avait promis d'alléger le droit de préemption. La mesure de la nouvelle loi semble aller dans ce sens, mais «l'assouplissement est dans l'ambigüité et dans la non-automaticité», explique Omar Berkouk, conseiller en investissement et expert en finances. Il s'agit d'une «clause de réserve», mais pas très réaliste. Il est en effet difficile d'imaginer des fonds d'investissements, multinationales ou groupes étrangers informer les autorités algériennes chaque fois qu'ils voudront céder des parts dans des opérations à l'international. «Il y a des transactions confidentielles qui ne sont pas portées à la connaissance du public. En plus, l'Etat ne peut préempter que les actifs algériens mis en vente», ce qui n'est pas le cas dans la situation décrite dans la loi. Dans de telles conditions, l'action de l'Algérie s'apparenterait plus à «une nationalisation», nous dit-on. La nouvelle mesure tendrait à réduire les libertés d'acteurs qui sont à l'extérieur de l'Algérie et risque de «déclencher des contentieux juridiques avec des arbitrages internationaux dans lesquels on aura peu de chance de gagner», prédit l'expert. Des transferts de revenus Le gouvernement revoit sa copie en matière d'obligation de financement interne et de transferts de dividendes pour les investisseurs étrangers. Dans l'exposé des motifs, les rédacteurs expliquent que la mesure en question a engendré un rapport disproportionné entre le niveau des ressources nécessaire à la constitution du capital d'une entreprise et le niveau illimité des transferts autorisés. Pour un meilleur équilibre de la balance des paiements, le gouvernement veut éviter les situations où l'investisseur étranger «va minorer l'apport en capital et tirer, avec un apport en devises quasi nul, le maximum de profit du droit à transfert de revenus». Le but de l'abrogation est d'empêcher la minoration du capital et de fixer par voie réglementaire l'apport minimum en fonds propres nécessaires à l'obtention de la garantie de transfert. Cette mesure est explicitée dans l'article 25 du nouveau code. Selon le professeur en finances, Camille Sari, «le capital apporté par un investisseur étranger soit en devises soit en nature peut être transféré à l'étranger en devises, ce qui n'est pas une grande innovation, cela est pratiqué par tous les pays. Mais l'Algérie voulant éviter les investissements spéculatifs (dans l'immobilier par exemple, le gouvernement avait restreint cette disposition). C'est donc un retour à la normale». D'autres experts vont un peu plus loin. A travers cette mesure, le gouvernement «risque de s'immiscer dans la structure financière des projets, autrement dit décider de la partie en capital et de la partie en dette qui doit être appliquée, or ce n'est pas à lui de le faire», explique Omar Berkouk. Le but est «d'inciter les investisseurs à mettre plus de capital dans leur projet et de réduire le recours aux financements bancaires. Autrement dit, les empêcher de faire beaucoup de profit avec peu de capital». Ceci va aider la balance des paiements, car les apports sont comptabilisés comme IDE. Le code autorise l'importation de biens rénovés dans le cadre des opérations de délocalisation et les dispenses des formalités de commerce extérieur et de domiciliation bancaire. La décision intervient après que le gouvernement a remarqué que l'interdiction créait une discrimination entre les investisseurs nationaux et étrangers, qui eux étaient autorisés à importer des équipements usités.