Dans son roman Cauchemar, Kheireddine El Hamdoun(1) décrit un monde troublé, une société désespérée et une…révolution avortée. Son héros, Abdelkrim, un intellectuel utopique, est trahi par ses compagnons et désavoué par sa société. Il se trouve ainsi «sans ailes», face au «gouverneur», un dictateur sans foi ni loi, qui a fait main basse sur «le pays sans nom». Abdelkrim s'est révolté contre le gouverneur et la haute fonction qu'il occupe. Il a découvert le mensonge «des forces invisibles». Le gouverneur n'a plus pour lui aucune considération. La révolte de Abdelkrim va atteindre rapidement les forces vives du pays meurtri par les exactions du gouverneur. Abdelkrim dresse une comparaison entre le gouverneur et le dictateur qui a mis le pays à genoux dans les années soixante. Abdelkrim s'est même rendu compte de la ressemblance physique effroyable de leurs visages. Il appelle «les forces vives du pays» à combattre le gouverneur. Hélas ! L'appel de Abdelkrim n'est pas suivi par toutes «les forces vives». Sa révolte échoue. Il ne renversera pas «le gouverneur» pour libérer le pays de ses malheurs. Abdelkrim capitule devant sa solitude, sa vieillesse. Il ne lutte plus. Il n'est plus un révolutionnaire, ni un maître ni un héros. Il est un simple «quelque chose», un rien, à la recherche d'un refuge qui le protégerait de l'humiliation. Abdelkrim est vite désespéré. «Il est arrêté, mis au cachot. Maintenant que Abdelkrim a vu l'image laide de ses rêves, il permet au désespoir de l'envahir et de lui choisir sa mort … Ceci au moment où le juge du gouverneur lit la sentence de mort, aidé par «les sbires» et cite toutes les sortes de morts possibles… le corps de Abdelkrim se raidit comme une planche (p 120). Et comme dans un cauchemar, le gouverneur descend tout «terrifié» de son siège, en regardant à travers les barreaux qui retiennent Abdelkrim ou plutôt son corps raidi. Soudain, deux infirmiers, vêtus de blanc, entrent par une porte «invisible». Ils avancent prudemment jusqu'au milieu de la salle du «tribunal cauchemardesque». Ils ouvrent une porte au milieu des barreaux. L'un deux tire Abdelkrim, puis trouvant son corps raidi, fait signe à son camarade pour l'aider à le porter. Ils le portent verticalement comme un tronc d'un arbre. Ils sortent en fermant «la porte invisible» derrière eux. Fin de l'histoire de Abdelkrim, fin de sa révolte avortée. Kheireddine El Hamdoun a réussi à créer chez Abdelkrim un état d'âme étroitement lié à l'anti-héros. Il a su également créer à partir des autres personnages de son roman une ambiance, où les idées sont troublées et incohérentes. C'est l'image terne et désespérante du monde arabe actuel. Le romancier a décrit un climat caractéristique de la pédagogie, de la morale et des soubresauts d'une révolution ratée, avortée. Cependant, ceci n'empêche pas le personnage principal (Abdelkrim) d'être un «humain du monde» qui partage son angoisse avec ses semblables dans le Tiers-Monde. Le style de Kheireddine El Hamdoun est poétique, ciselé et limpide. La trame de son roman est bien maîtrisée. Nous lui souhaitons un avenir radieux. 1) Né à Tripoli en 1984, K. El Hamdoun vit au Caire. Cauchemar est son premier roman.