Marin's, Tores, Samata, casquette, double-face ou la Roma. Désormais les coiffeurs présentent leur menu. Aller chez le haffaf, pour les nouvelles générations, n'est plus uniquement une question d'hygiène, c'est une manière de s'affirmer par le look. Les cheveux sont devenus quasiment un support artistique. El banda, la bande marquée à l'aide d'une tondeuse, ou ez'ziga, un mince filet tracé par le même instrument, révèlent par leur qualité la griffe du coiffeur. «Les jeunes suivent la mode. Celle imposée par les joueurs de football et les chanteurs de raï. C'est une manière de s'affirmer», explique Fateh Yahiaoui, professeur de coiffure au CFPA Hassaïne Belkacem (El Harrach 2), en affichant une moue pour signifier sa désapprobation face à ces nouvelles coiffures. Mais la tendance a le poil dur, au grand bonheur des artistes capillaires. «Il y a un nouveau marché. Certains coiffeurs sont très sollicités. Ils travaillent avec une clientèle choisie et sur rendez-vous. On les appelle par téléphone pour réserver sa place ou un créneau horaire», informe l'un des stagiaires. Et les prix de certaines «œuvres d'art capillaire» sont à s'arracher les cheveux : «Cela va de 200 DA la coupe simple à 5000 DA les plus compliquées», assurent les stagiaires, en informant que des salons de coiffure et d'esthétique pour hommes sont désormais à la mode. «Jeunes et moins jeunes y vont pour faire un défrisage, se faire appliquer de la kératine et même du fond de teint après un nettoyage de peau», ricanent-ils. En fait, d'après les explications de Mohamed Bagharagi, un autre professeur de coiffure, les tarifs dépendent du lieu d'implantation du salon et de son standing. En règle générale, une coupe de cheveux qui nécessite de 10 à 15 minutes de travail coûte 200 DA. «Plus la prestation prend du temps, plus elle est chère. A cela, il faudra ajouter le prix des produits utilisés qui sont souvent très onéreux», ajoute-t-il. La coiffure telle que définie et enseignée par Fateh Yahiaoui est un art de la beauté, qui nécessite une «vaste culture générale» et des qualités précises. Le coiffeur doit être présentable, patient, bien organisé et avoir une gestuelle respectueuse et régulière. Il doit bien communiquer et savoir garder le secret professionnel. «Jadis, le coiffeur était un modèle par son apparence et son comportement», insiste Fateh. Le métier nécessite également une bonne formation pour savoir proposer des coupes «selon la forme du visage, le type et l'âge du client», instruit-il. Au centre de formation professionnelle El Harrach 2, le CAP coiffure est ouvert aux jeunes sans niveau particulier pour une formation de 12 mois. Dans l'atelier, une vingtaine de fauteuils de coiffure sont installés face aux miroirs. Vêtus d'un tablier blanc, peigne et ciseaux à la main, quelques stagiaires s'entraînent sur la tête de leurs collègues. «Pour les travaux pratiques, nous manquons de mannequins ou de candidats. Les stagiaires se coiffent mutuellement, mais on a trouvé la solution. On a signé deux conventions, l'une avec la maison de retraite de Sidi Moussa et une autre avec celle de Bab Ezzouar. Deux fois par semaine, les apprentis vont coiffer les résidants. Cela fait plaisir à tout le monde», se félicite Hadj Meknache Abdelmadjid, le directeur du centre. Et la spécialité remporte un véritable succès auprès des jeunes. «100% de nos stagiaires sont originaires des quartiers populaires. C'est un métier très apprécié», indique Fateh Yahiaoui. Benthelidjane Amar et Farès, deux frères nés en Italie, rentrés au pays en 2012 sont, à l'image de leurs collègues, pleins d'espoir quant à leur avenir professionnel. «La coiffure est un métier prenant. En plus, on peut travailler n'importe où. Même dans un coin de rue. Une chaise, une paire de ciseaux et un peigne et c'est fait», s'enthousiasme Amar. Et l'art de coiffer est un marché juteux. Ses exécutants au doigté précis sont des stars recherchées par les adeptes du paraître. Ainsi, des salons luxueux dédiés au bien-être masculin poussent comme des champignons dans les grandes villes. Jeunes et moins jeunes s'y bousculent pour bénéficier de traitements, dans un passé récent, réservés à la seule gent féminine. Gommage de la peau du visage, teinture des cheveux, défrisage, kératine, manucure et autres coupes audacieuses sont désormais présentés sur catalogue. «Le coiffeur est un prestataire de services. Il doit d'abord faire plaisir à son client», instruit l'enseignant du CFPA, en indiquant que certains artisans refusent de se plier aux exigences jugées «incorrectes». Et ces clients sont de plus en plus visibles dans les rues. C'est un nouveau phénomène, une mode qui ne plaît pas toujours à tout le monde. Mais les nouvelles générations en raffolent, au grand dam des puritains et autres nostalgiques de la coupe à la Omar Gatlatou, ce personnage empli de redjla (virilité) au centre de l'œuvre magistrale de Merzak Allouache, sortie en 1977.