Les spéculations vont bon train à propos du remaniement que le chef du gouvernement tunisien, Habib Essid, a annoncé comme imminent. D'après les dernières fuites, les équilibres entre les partis de la coalition gouvernementale ne seront pas touchés. Habib Essid a annoncé, le 27 novembre dernier, dans son discours de présentation de la loi de finances 2016 devant l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), qu'il va procéder à un remaniement ministériel dans les jours à venir. Au départ, juste après l'attaque terroriste du 24 novembre, il avait été question d'un gouvernement restreint de guerre contre le terrorisme. Mais, avec du recul, c'est plutôt l'approche d'un remaniement ministériel basé sur le bilan d'une année d'exercice qui l'a emporté. Quelques petites retouches seront néanmoins opérées dans la structure de l'équipe de la Kasbah. Ainsi, il est fort probable que le ministre de l'Enseignement supérieur, Chiheb Bouden, paie les frais d'une fusion avec le ministère de l'Education, où Néji Jalloul tient solidement les rênes. Quelques secrétariats d'Etat pourraient également disparaître, comme l'a insinué le chef du gouvernement, pour expliquer la réduction annoncée du nombre de portefeuilles. Résultats C'est donc surtout le bilan de l'année écoulée qui va être à la base du remaniement. A ce titre, ce sont les départements de l'investissement et de la coopération internationale, du tourisme, de la jeunesse et du sport, de l'environnement, ainsi que de l'industrie qui traînent le pas, à en croire certaines sources de Nidaa Tounes. Les investissements n'ont pas afflué vers la Tunisie avec l'arrivée de Yassine Brahim, tout comme les touristes pour Salma Elloumi. Meher Ben Dhia pourrait pfaire les frais des éternels tiraillements sur la scène sportive, alors que Néjib Derouiche n'est pas parvenu à trouver les solutions adéquates pour mettre fin aux ordures dans les rues tunisiennes. Enfin, Zakaria Hamad ne parvient pas à relancer le secteur industriel. Par contre, la ministre de la Culture, Latifa Lakhdhar, veut partir et on se demande si Habib Essid pourra la retenir. Zakaria Hamad est un commis de l'Etat. Il sera sûrement affecté à la tête d'une grande entreprise publique. Selma Elloumi, trésorière et membre fondatrice de Nidaa Tounes, passera au palais de Carthage comme ministre-conseillère. Mais, les départs du président de Afek Tounes, Yassine Brahim, et des deux ministres de l'Union patriotique libre (UPL), Ben Dhia et Derouiche, risquent de créer des grincements au sein du gouvernement de Habib Essid, puisque Afek et l'UPL font partie de la coalition au pouvoir. Par ailleurs, les spéculations restent entières concernant le choix du département qui gardera Ferhat Horchani, patron des ministères de la Défense et de la Justice. Le problème concerne surtout l'attribution de l'autre département de souveraineté. Les fuites parlent même d'un possible départ de Nejem Gharsalli de l'Intérieur. Toutefois, son œuvre est défendue en matière de rétablissement de la stabilité dans le pays, malgré les attaques terroristes du musée du Bardo, en mars, de l'hôtel Impérial à Sousse, en juin, et de l'explosion du minibus de la Garde présidentielle, il y a trois semaines. Certains sécuritaires préfèreraient voir l'un des leurs à la tête de ce ministère en pareille phase. Equilibres politiques Le gouvernement tunisien est adossé à une association entre Nidaa Tounes (86 sièges) et Ennahdha (69 sièges). Avec 155 sièges, sur les 217 que compte l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), ces deux partis dominent la scène politique. L'UPL et Afek Tounes ferment juste la boucle avec, respectivement, 16 et 8 sièges. Avec l'aval de Nidaa Tounes et d'Ennahdha, Habib Essid peut stabiliser son gouvernement. Mais, Afek et l'UPL assurent la diversité dans l'équipe au pouvoir. C'est ce qui explique le fait que le chef du gouvernement traite avec le président et fondateur de Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi, et le leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi. BCE ébauche les politiques, alors que Ghannouchi trace les lignes rouges. En effet, selon plusieurs observateurs, les islamistes tunisiens se considèrent chanceux de rester au sein de l'équipe au pouvoir dans une conjoncture internationale très défavorable aux Frères musulmans dans les pays du Printemps arabe. «C'est la raison pour laquelle Ennahdha accepte le minimum de représentativité dans le gouvernement», selon le politologue Slaheddine Jourchi. Béji Caïd Essebsi et Habib Essid sont conscients de ces enjeux et ne vont pas élargir la représentativité d'Ennahdha dans le gouvernement. Plus encore, ils défendent l'œuvre du ministre des Affaires religieuses, Othmane Battikh, malgré les critiques d'Ennahdha suite aux destitutions des prêches du vendredi de plusieurs imams qui sont proches du parti de Ghannouchi. Habib Essid considère que Battikh n'a fait que son travail en éliminant ceux qui ont défendu le djihad en Syrie. Par contre, la lune de miel avec Afek Tounes pourrait se rompre. Le départ du président de ce parti, Yassine Brahim, du ministère de l'Investissement et de la Coopération internationale risque de poser problème. L'autre ministre d'Afek, Noômane Fehri, n'est pas annoncé partant. Il est par ailleurs, fort probable qu'il sera tiraillé entre Afek et le gouvernement, si le divorce est annoncé. Le même hic est pressenti du côté de l'UPL. Le président de ce parti, Slim Riahi, aspire à élargir le nombre des portefeuilles aux couleurs du parti, ce qui pose problème à Habib Essid, insatisfait des résultats des membres de l'UPL, Ben Dhia et Derouiche. Remaniement équivaut à tiraillements. Habib Essid essaie de trouver la meilleure formule possible.