Relogées provisoirement dans une ex-base vie, une cinquantaine de familles de Boghni (40 km au sud-ouest de Tizi Ouzou) attendent depuis une vingtaine d'années d'être extraites de cet endroit, transformé en un immense bidonville. Leurs conditions de vie sont intenables et elles se dégradent de jour en jour. Les taudis où sont entassées ces familles sont construits avec des matériaux contenant de l'amiante et de la laine de verre. Rencontré à l'entrée du bidonville, un père de famille dira : « J'habite ici depuis seize ans. J'ai deux enfants que je traîne d'un médecin à l'autre pour les soigner contre les allergies et autres maladies respiratoires. » Son voisin affirme que ses quatre enfants, des écoliers, n'arrêtent pas de tousser toute la nuit à cause de l'humidité et du climat d'insalubrité qui caractérise ces lieux. Il exhibe un sachet d'ordonnances non encore remboursées. Devant la porte d'une bâtisse en parpaings et tôle rouillée, un jeune garçon se battait avec une vieille brouette pour transporter un bidon de 50 l d'eau. Avant de reprendre le chemin de l'école, trois fillettes sont, elles aussi, contraintes d'assurer cette corvée quotidienne. La seule conduite d'eau alimentant le bidonville est souvent à sec. Le réseau d'assainissement, défectueux, est réalisé d'une façon anarchique. Les 58 familles partagent un seul compteur électrique. « En hiver, j'étudie à la lumière de la bougie », déclare, Karim, un lycéen. Les riverains accusent les précédents P/APC de n'avoir pas tenu leurs promesses. « Ils nous ont promis de nous reloger dans des logements sociaux, au centre-ville de Boghni et qui sont actuellement squattés », dénoncent les riverains. Les pouvoirs publics ont été saisis à maintes reprises, en vain. Pourtant, l'actuel P/APW de Tizi Ouzou habite à une cinquantaine de mètres seulement du bidonville et devrait être sensible à la misère qui ronge des familles entières. Interrogé à ce propos, le chef de daïra de Boghni répond : « Les 58 familles devraient être prises en charge dans le cadre de la résorption de l'habitat précaire (RHP). Après enquête, 5 familles sont déclarées inéligibles par la CNL. 12 ont opté pour le logement social, alors que 41 autres ont choisi de rester sur place où il est prévu la construction de 50 logements RHP ». Mais le terrain qu'occupe actuellement le bidonville appartient à un propriétaire privé qui a accepté de céder une partie pour concrétiser le projet de 50 logements. Le retard pris dans le lancement des travaux serait dû à des lenteurs dans l'établissement des certificats de possession à chaque famille afin d'effectuer le transfert de propriété. Le chef de daïra se montre toutefois pessimiste. Il estime que le projet risque de ne pas aboutir en raison de l'inconfortable situation sociale et financière de certaines familles. « A mon avis, il faut annuler carrément le projet du RHP. Ceux qui ont un terrain privé dans leurs villages respectifs peuvent bénéficier d'une aide financière dans le cadre de l'autoconstruction. Les autres peuvent postuler au programme des logements sociaux participatifs. Il restera un petit nombre de familles, vraiment nécessiteuses, que l'Etat peut prendre en charge, dans des logements sociaux, d'ici pas moins de deux ans ». Pour sa part, le P/APC de Boghni affirme qu'une rencontre est prévue avec l'ensemble des résidants de l'ex-base vie, pour tenter de trouver des solutions concrètes à leurs problèmes dans les meilleurs délais.