Il est possible de rire, même quand l'actualité est déprimante. C'est le pari de Nazim Baya, pharmacien qui, après des années à gérer la page MKD relatant avec humour les déboires quotidiens des internautes, a lancé El Manchar, site parodique relayant des informations aussi fausses que saugrenues. Florilège : «L'Italie pourrait recruter des hittistes algériens pour redresser la tour de Pise», «Bouteflika mis sur écoute : au total 5840 heures de silence ont été interceptées par la NSA», «Daech ouvre la première boucherie de viande humaine» ou encore «Ghardaïa : l'Etat promet d'intervenir dès que le calme sera revenu»… Il est clair que l'état actuel de la scène politique algérienne donne une source intarissable d'inspiration aux rédacteurs d'El Manchar. S'inspirant du Gorafi français ou de The Onion américain, le site a pu berner et tourner en ridicule plusieurs médias dits sérieux. On ne compte plus le nombre de fois où des journalistes, dans une course effrénée à l'info, ont repris sans réfléchir ni même citer leur source, les articles infondés d'El Manchar. Cela avait commencé par la reprise par un journal arabophone d'un article expliquant que l'Ansej va désormais financer ceux qui veulent se marier à une info selon laquelle Ryan Gosling serait le petit-fils de l'ancien mufti de Jérusalem qui a fait les choux gras de la presse marocaine jusqu'à «l'interdiction de la minijupe en Algérie» par le journal 20 minutes en France. Mais c'est sans doute la reprise d'un article selon lequel Saïd Sadi, ancien chef du RCD, aurait, dans un calcul arithmétique improbable proposé un Ramadhan de 13 jours qui aura le plus étonné les observateurs avertis. Réservant les flèches les plus acerbes aux puissants, Nazim Baya et ses coéquipiers ont pour cibles privilégiées les hommes forts du système algérien, les stars du raï ou les as de la magouille. Héritiers de Desproges et de Fellag, ils proposent surtout un regard drôle et décalé sur nous-mêmes.