Il est préférable de parler des artistes algériens, car ils sont actifs et bien réels. L'art algérien n'existe pas encore. Il est en perpétuelle construction. Les institutions artistiques dignes de ce nom qui devraient être un relais pour donner aux artistes algériens de la légitimité et des moyens pour exercer leur art n'existent pas non plus. Mon constat est sans doute sévère, mais la précarité dans laquelle vivent les artistes en Algérie résume bien la situation. L'un de nos objectifs, dans un avenir proche, est d'établir des liens avec les artistes vivant en Algérie afin de favoriser l'échange et d'impulser des projets d'expositions en commun. (…) Cette exposition est l'occasion de mettre à l'honneur feu Abdelwahab Mokrani, ce grand artiste de la peinture algérienne qui est un repère pour notre génération d'artistes. La presse algérienne le surnommait «l'enfant terrible de la peinture algérienne». Il a eu un parcours de vie difficile. C'était un écorché vif. Il refusait le commun. Il avait une sensibilité à fleur de peau. Peindre était plus qu'une passion. C'était un acte vital pour lui ainsi qu'une délivrance, un refuge où il se repliait pour fuir le conformisme qu'il détestait plus que tout. Lorsque j'étais étudiant à l'Ecole des Beaux-arts d'Alger, il m'arrivait d'aller lui rendre visite dans sa maison familiale. Il me donnait des conseils en sa qualité d'artiste. Il m'expliquait comment regarder une toile jusque dans sa profondeur. Ses conseils, ses paroles restent gravés dans ma mémoire car ils étaient pertinents et sincères.