Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
«Nous souhaitons contribuer à la réémergence d'une culture de planification» Mohamed Laïd Benamor. Président de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (Caci)
A l'occasion de la tenue de l'assemblée générale de la CACI, son président, Mohamed Laïd Benamor, également PDG du groupe Amor Benamor, nous explique à travers cet entretien son projet de réforme de la CACI ainsi que ses ambitions de voir cet organisme se hisser au rang de «lobbyiste actif» auprès du législateur et en faveur des opérateurs économiques. - La CACI que vous dirigez veut réussir sa transformation par les statuts pour qu'elle soit au diapason avec les transformations économiques du pays. Quel est votre projet pour la Chambre ? Bien entendu, les situations des Chambres de commerce et d'industrie (CCI) en Algérie varient d'une wilaya à une autre. Certaines ont des situations plus enviables que d'autres, il suffit d'être à l'écoute de nos membres pour s'en rendre compte. Mais globalement, la nécessité de modifier les statuts fait l'objet d'une unanimité rarement observée. Le ministre du Commerce lui-même a été sensible à cette revendication exprimée lors de notre dernière AGO. Nous souhaitons, c'est un engagement fort pris auprès de nos membres, réorganiser la CACI et les CCI par une réforme de fond des statuts qui tiennent à la fois compte des meilleures pratiques de gouvernance à travers le monde et des spécificités de l'économie algérienne. Cette réforme des statuts entend d'abord redonner du souffle aux CCI par une consolidation des pouvoirs des présidents de Chambre qui sont souvent démunis face aux autorités administratives et parfois à leur propre schéma de direction générale. Les CCI apparaissent comme de véritables bureaucraties professionnelles dirigées par des directeurs généraux soucieux du contrôle de l'opérationnel et des aspects comptables, alors qu'elles devraient être davantage flexibles et réactives aux mains de présidents élus et davantage soucieux de politique générale et d'ambitions stratégiques de développement économique de leur wilaya. Les statuts actuels enferment les présidents dans un cadre étriqué. Nous souhaitons leur donner un véritable pouvoir de décision qu'exécutent ensuite les équipes en place. Sans cela, toute réforme, toute action stratégique en faveur des nouveaux défis économiques nationaux sont vouées à l'échec. Plus de fluidité, moins d'obstacles, plus d'intelligence réactive, moins de conservatisme bureaucratique, voilà ce que nous voulons mettre en place pour que tous les interlocuteurs des CCI aient conscience du rôle incontournable des Chambres dans leur région et à l'échelle nationale. Il en sortira une meilleure collaboration entre les présidents de Chambre et les walis, entre ces présidents et les administrations, entre ces présidents et leurs directeurs centraux, mais aussi entre ces présidents et leurs membres à qui ils doivent rendre des comptes. - Quelles sont vos ambitions en matière d'implication et de participation au débat économique et aux grandes orientations de diversification voulues par les pouvoirs publics ? Il n'a échappé à personne que de grandes réformes sont en cours dans notre pays ; nous souhaitons d'abord les orienter par la force d'un observatoire d'analyses et d'études économiques, car les services des ministères souffrent d'une absence de données fiables et complètes sur la situation économique du pays. Nous nous engageons à ce que ces politiques soient, désormais, plus informées en amont à partir de données complètes sur les secteurs et la densité des activités et des échanges, de même que nous nous engageons à fournir des analyses et des études utiles aux grandes réformes nationales. Dans un deuxième temps, nous souhaitons développer notre rôle de lobbying actif auprès du législateur pour qu'il soit orienté adroitement sur les meilleures politiques en faveur des opérateurs économiques, mais aussi qu'il y ait une plus grande stabilité dans la visibilité des réformes et des sphères juridiques, fiscales, normatives et financières du pays. Plus personne ne peut investir durablement dans un environnement devenu incertain, et cela pénalise l'économie nationale, l'emploi, l'assiette fiscale et la compétitivité des entreprises. Nous souhaitons contribuer à la réémergence d'une culture de la planification à long terme dans une logique d'Algérie émergente. Nos membres ont énormément de suggestions très pertinentes en ce sens, dont nous nous faisons l'écho auprès des instances politiques, diplomatiques, institutionnelles et administratives du pays. Une gouvernance inclusive intégrant la CACI et les CCI est une chance formidable d'avoir l'écho des opérateurs économiques les plus largement représentatifs du pays. Nous allons aussi jouer un rôle pédagogique en matière d'innovation et d'intégration de filières économiques, car notre espace des affaires doit désormais se développer en réseaux et sur la base de ressources renouvelables. Notre priorité est d'orienter l'espace politique vers des cadres facilitateurs et incitatifs pour nos membres. C'est aussi une chance de renouvellement des dispositifs de création de richesses que nous offrons aux politiques publiques. - Quelles sont vos chantiers prioritaires pour faire de la CACI un acteur actif dans la concrétisation des objectifs en matière de diversification et d'inclusion économiques ? Nos projets se résument à quatre orientations stratégiques fortes pour améliorer la compétitivité des entreprises algériennes au niveau national et au plan international, pour nous préparer aux nouveaux défis qu'impose la mutation durable de notre modèle économique national qui passe d'un dispositif de captation de la rente des hydrocarbures à un mécanisme de création de richesses fondé sur l'innovation et l'exploitation de ressources renouvelables, notamment par l'innovation et l'intégration croissante des processus d'industrialisation, de services et de chaîne de valeur agricole. Ces quatre projets stratégiques concernent : premièrement l'innovation collaborative des opérateurs économiques au sein des wilayas et la mise en réseau des Chambres de commerce et d'industrie pour un meilleur partage des données, des savoir-faire et des expériences réussies. Nous allons élaborer des outils permettant de favoriser la mise en réseau de tous les acteurs économiques faisant de la CACI un véritable «Business Coopération Network». Deuxièmement, nous allons favoriser l'assimilation des meilleures pratiques et des meilleurs modèles économiques à l'international par les présidents de CCI et leurs opérateurs économiques emblématiques dans le cadre d'un vaste programme que nous mettons sur pied, que nous appelons «Global Business Discovery» et qui consiste à faire assimiler par nos membres d'excellents modèles de clusters innovants de type Silicon Valley, des écosystèmes d'affaires de type nordique, de la compétitivité interrégionale de type espagnol, d'assimilation technologique dans le cadre de colocalisation industrielle de type turc, d'attractivité des IDE dont Dubaï est un bon exemple, ou encore d'optimisation de plateformes ou de milieux industriels intégrés innovants de type chinois. Troisièmement, nous nous engageons dans un grand plan de revalorisation de la formation professionnelle pour faire monter en puissance les compétences de business développement en Algérie et susciter des vocations entrepreneuriales dans les règles du marché. Nous y ajoutons un sérieux cadre d'accompagnement pour outiller les entrepreneurs jeunes et moins jeunes, car l'une de nos priorités est de lutter contre la mortalité des entreprises algériennes, phénomène hélas trop important dans notre pays. Enfin, quatrièmement, comme rien ne peut se faire sans la réorganisation des Chambres pour les rendre plus réactives, plus agiles et renforcer leur position en tant qu'acteurs-clefs de l'espace économique algérien, nous envisageons une réforme des statuts des CCI qui, aujourd'hui, enferment les présidents de Chambre dans des rôles secondaires qui ne leur permettent guère de répondre aux attentes de leurs membres dont ils sont, rappelons-le, les élus. - Quels sont les défis les plus urgents à relever au niveau de la CACI ? Pour redorer le blason des CCI, pour redonner aux présidents de Chambre leurs lettres de noblesse, au même titre que n'importe quelle CCI dans le monde, nous nous engageons à tout faire pour que celles-ci retrouvent leur pouvoir d'action dans l'espace économique par des dispositions et des dispositifs renforçant le pouvoir de décision des présidents de Chambre, qui les remet au centre des processus de décision régionale en matière de développement des infrastructures, et qui leur rend les prérogatives qui leur sont naturellement dédiées pour qu'elles puissent renouer avec une culture d'acquisition de ressources propres, notamment dans la gestion de certaines infrastructures, comme c'est le cas dans certains pays. Redonnons à nos Chambres la place qu'elles méritent puisqu'elles disposent d'une représentativité potentielle très large des opérateurs économiques, dont on dénombre près de 1,5 million d'adhérents potentiels. Donnons-lui aussi la chance de réintégrer les acteurs informels, tout aussi nombreux, dans la sphère formelle, car ces opérateurs constituent une perte de richesse essentielle utile aux ressources collectives et donc à notre mutation économique devenue indispensable et irréversible.