Vécues tel un drame, elles font des ravages au sein de nombreuses familles. Méconnues et reléguées à un plan qui rend aléatoire leur prise en charge, les anémies héréditaires sont encore loin d'occuper la place qui leur revient dans le système de santé algérien. Très peu médiatisées, elles sont reléguées au second plan des préoccupations sanitaires. Au niveau local, à Skikda, Annaba, Alger, Jijel, Blida, Tizi Ouzou ou El Tarf, des associations et des médecins ont fait leur le combat pour faire connaître la gravité de la situation et le drame vécu par les malades et leur famille. En retour, l'écho à ce combat est encore loin d'aboutir. Il y a quelques jours, la problématique de la prise en charge de ces anémies était au centre d'une rencontre médicale, organisée par une association à Skikda. Définies comme étant des hémoglobinopathies, un terme utilisé pour décrire des maladies génétiques où la production de l'hémoglobine à l'intérieur des globules rouges est affectée, elles ont un mode de transmission autosomique. L'anémie à hématies falciformes (drépanocytose) et la thalassémie sont les deux catégories principales de ces hémoglobinopathies. En l'absence de statistiques fiables, on estime de 3 à 4% le taux de personnes portant le trait génétique de ces hémoglobinopathies en Algérie. Les zones les plus touchées sont les wilayas de l'extrême nord-est du pays. A El Tarf et Annaba, les malades se comptent par milliers, mais aussi à Skikda, où l'on recense un grand nombre de cas répertoriés par une association qui se bat au quotidien pour aider les familles. Dans la wilaya de Jijel, de nombreux malades sont laissés dans un état de santé précaire qui peut leur être fatal. Dans d'autres régions du pays, la situation est la même. C'est dans ce contexte qu'une association nationale a vu le jour, il y a deux ans, à Skikda, avec un programme ambitieux, dont les contours ont été soumis au ministère de la Santé. Le manque de moyens a bloqué son action. La vie des malades Dépendant de transfusions sanguines, notamment pour les cas de la thalassémie, la vie des malades est une pénible épreuve. Elle est entravée par une sévère anémie et des souffrances chroniques. La scolarité des enfants, tout comme la vie professionnelle des adultes sont perturbées par la survenue d'épisodes d'hospitalisation souvent très rapprochés. De la fréquence des transfusions sanguines pour les thalassémiques, à la douleur vaso-occlusive, particulièrement atroce dans la phase aiguë de la maladie, pour les drépanocytaires, les malades doivent supporter les contraintes d'une vie menacée par de graves complications pouvant être la cause d'une mort brutale. Si dans les pays développés on évoque l'espoir d'une thérapie génique efficace qui fait son chemin, des traitements sont de plus en plus disponibles, à l'image de ce médicament miracle, qui est l'hydréa, en Algérie, la drépanocytose et la thalassémie sont encore loin d'être des maladies qui bénéficient de tous les égards. Le manque d'un suivi régulier pour assurer une meilleure qualité de vie aux patients, en leur évitant la survenue des complications, est le principal obstacle. Hormis dans les CHU et dans certains EPH, il y a absence de structures spécialisées dans la prise en charge de ces pathologies. L'EHS en pédiatrie d'El Mansourah, à Constantine, est l'exception de par le travail remarquable qu'il assure pour prendre en charge les enfants venant de plusieurs régions de l'est du pays. De l'avis des spécialistes et des militants au sein des associations luttant contre ces anémies, il y a urgence d'une prise de conscience pour agir contre la fatalité de ce fait accompli. «Il est plus que nécessaire de créer un centre de référence en la matière et de mettre en place dans les régions les plus touchées des structures spécialisées pour le suivi des malades, autrement la situation va s'aggraver avec des mariages à risque engendrant des naissances de nouveaux enfants malades chaque année», avertissent des spécialistes. En plus de leur rôle sur le plan thérapeutique, ces structures, soulignent ces spécialistes, seront amenées à entamer une action préventive pour lutter contre ces maladies. ll faut, disent-ils, œuvrer pour avoir une cartographie de la maladie à l'échelle nationale. En attendant ce stade avancé dans la lutte contre la drépanocytose et la thalassémie, rappelant que pendant que des pays ont fait des pas de géant dans ce domaine, à l'exemple de Chypre, en Algérie, les malades et leurs médecins sont encore à l'étape de gestion des ruptures de médicaments pour la chélation du fer et des réactifs pour la détermination des phénotypes pour la transfusion des malades. Le comble est que même les poches de sang manquent souvent à l'appel dans un contexte où le don de sang est encore réclamé aux familles ou aux proches des malades.