Quelque part sur une plaine céréalière. Un agriculteur déshydraté lève ses mains au ciel, voyant sa récolte finir à la poubelle. De l'eau, de l'eau, crie-t-il, pendant que son cousin lui rappelle que même si l'on concentre tous les pouvoirs, personne n'a celui d'arroser ses champs. Même salat el istisqa de cette année, danse de la pluie version monothéiste, n'a rien donné, ce qui montre bien que même Dieu ne regarde plus le pays du million et demi de martyrs morts de soif devant un lavabo. Dans plusieurs régions, la faillite agricole est déclarée ou en passe de l'être. Les récoltes sont déjà jugées désastreuses et les assurances ne couvrent pas le manque de pluie. Avec le pétrole en chute libre, c'est ce qu'on appelle un concours de circonstances, conséquence de la Loi de Murphy qui dit que tout ce qui peut arriver va arriver. Sauf que certains agriculteurs ont une autre explication. Il s'agit de cette chose, petite, pas jolie, trapue, grincheuse mais vigoureuse, nerveuse mais à toute épreuve. C'est la graine de blé traditionnelle d'Algérie — probablement d'âge phénicien — qui se sèche, se conserve et se replante à chaque récolte, qui se cache, se terre et se transmet à chaque génération. Son rendement n'est pas énorme mais elle résiste à tout, élevée sur des terres difficiles et qui donne même quand il ne pleut pas, habituée des vengeances et de l'adversité. Résultat : la sécheresse a eu raison de ces semences tchitchi importées d'Europe, fragiles, avides d'eau et ne supportant pas le soleil que l'OAIC, Office des céréales, donne aux agriculteurs à qui il faut débourser 5 millions de dinars pour s'acheter un pivot d'arrosage. Question stratégique : faut-il encore importer un nouveau Président ou propager cette vieille graine si robuste ? S'il est vrai que l'autosuffisance alimentaire n'est pas évidente, avec elle, cette graine a un avantage. On ne mourra jamais de faim.