Né de la fusion de plusieurs disciplines comprenant les neurosciences, l'informatique, l'ingénierie, les mathématiques et la physique, l'avènement «salutaire» de cerveau-machine pourrait changer de manière radicale le quotidien des personnes souffrant d'incapacité motrice. La conception et la réalisation des prototypes intelligents ne sont plus désormais l'exclusivité des grands laboratoires mondiaux, puisqu'elle existe ici, dans le laboratoire de recherche en systèmes intelligents Laresi de l'université des sciences et de la technologie d'Oran. Une équipe de recherche constituée de jeunes chercheurs, dirigée par le professeur Nasreddine Berrached dont l'enthousiasme et la passion ont habillé vertueusement son esprit créatif, travaille sur une interface cerveau-machine (ICM) dont la finalité est de remplacer l'infirmité par un système intelligent. «Ce dispositif constitue une véritable prouesse. Un coup de maître au plus haut niveau scientifique. L'ICM pourrait, dans un avenir relativement proche, venir au secours des personnes privées de toute capacité motrice volontaire et leur permettre d'interagir avec leur environnement. Cela leur permettra également de retrouver une certaine mobilité», explique d'emblée le professeur Berrachad très confiant à propos du génie scientifique algérien. «Nous avons des diamants, de véritables lingots d'or qui sont capables de faire des merveilles dans cette branche», assure le professeur en parlant des jeunes chercheurs. Enthousiaste et fier des accomplissements de son équipe de recherche, le professeur Berrached indique qu'elle est au même niveau d'avancée scientifique que les meilleurs laboratoires étrangers en matière d'interface cerveau-machine. «Nous sommes probablement les seuls dans le Monde arabe et même en Afrique à travailler sur cette technologie», s'est-il félicité. En termes de moyens de recherche, le professeur raconte l'anecdote d'un de ses étudiants, qui était allé au Japon pour travailler sur un projet de robot humanoïde — dont l'apparence générale est celle d'un corps humain se servant de l'intelligence artificielle — qui, lors de la visite du laboratoire de l'USTO, avait déclaré : «Vous avez un matériel encore plus récent que celui sur lequel on travaille au Japon.» Pour revenir au projet en lui-même, il faut savoir que les systèmes intelligents sont les nouveaux mécanismes de contrôle, plus ou moins calqués sur la capacité de l'être humain, à pouvoir s'adapter de manière évolutive. Les dispositifs dits intelligents pourraient imiter les systèmes nerveux et musculaire de l'être humain. «Si l'on veut définir l'intelligence artificielle, on peut dire, de la manière la plus simple, qu'il s'agit de créer des systèmes non ‘‘biologiques''. C'est-à-dire, des machines qui parviennent à avoir, à l'aide d'une conception intégrée, la fonctionnalité optimale des systèmes biologiques humains en imitant leurs capacités d'adaptation», instruit le professeur Berrached en ajoutant que pratiquement tous les appareils et les mécanismes dotés de l'intelligence artificielle deviennent de plus en plus complexes et très difficiles à modéliser. Donc, il est donc compliqué de prévoir avec déterminisme, c'est-à-dire avec précision, comment les gérer. Ces mécanises sont devenus très difficilement mathématisables. Pour cela, Mlle Bentabet, doctorante, membre de l'équipe qui travaille sur l'interface cerveau-machine, explique le principe de l'ICM : «L'objectif de ce dispositif est de déterminer comment arriver à contrôler un système automatisé juste par l'utilisation des pensées tout en employant les activités cérébrales.» Selon la jeune doctorante, une ICM désigne un système de contact et de connexion directe entre un cerveau humain et un ordinateur. «Ce système permet à un individu d'effectuer des tâches en se détachant de l'action des nerfs périphériques et des muscles», développe Mlle Bentabet. Ce type de dispositif, qui correspond à la fine pointe du progrès technologique, permet selon Pr Berrached, de contrôler par la pensée un ordinateur, une prothèse ou tout autre système automatisé sans que l'individu sollicite ses mains, bras ou jambes. «C'est une invention grandiose. En utilisant ce système intelligent, la personne éprouvant des difficultés à se déplacer ou même souffrant de handicaps majeurs de retrouver une certaine autonomie. On parle ici de la motivation d'aide au handicap», avance-t-il. Structure d'une ICM Une interface cerveau-machine est un dispositif qui comprend un système de communication directe entre un cerveau humain et un ordinateur. Ce dernier est programmé exclusivement pour l'envoie des commandes à travers la mesure de l'activité électrique des neurones. «Cette activité électrique est mesurée par électroencéphalographie (EEG) placée sur la surface du crâne. Il s'agit dans ce cas là d'une technique non invasive. C'est-à-dire placer les électrodes (les capteurs) sur le cuir chevelu, afin de produire un électroencéphalogramme», explique M. Bekhlif, chercheur et membre de l'équipe. L'ICM est donc constituée d'un casque disposant de plusieurs capteurs qu'on fixe sur la tête et d'un ordinateur pour l'interprétation des signaux électroniques envoyés par le cerveau via les électrodes. «Ces électrodes captent par la suite l'activité du cortex et envoient ses signaux vers l'ordinateur. Le mouvement effectué par l'individu génère une activité cérébrale caractéristique et mesurable. Les signaux sont transmis à un ordinateur qui les analyse pour en extraire les données utiles, puis les transforme en commande pour la machine», avance Mlle Bentabet. Comment fonctionne une ICM ? Une ICM, telle que définie dans une synthèse faite par le Pr Berrached, fonctionne en boucle fermée autour du sujet qui en fait la supervision. La boucle en question comporte quatre étapes. La première consiste à mesurer l'activité cérébrale et prétraitement. Il s'agit de détecter et de mesurer l'activité cérébrale du sujet, alors que celui-ci effectue une ou plusieurs tâches mentales. C'est une étape cruciale, conditionnant une perception fiable, sûre et robuste des ondes cérébrales. La seconde étape est l'extraction de caractéristiques discriminantes et leur classification. Le but de cette phase importante est de décider de la tâche mentale imaginée ou désirée par le sujet — aller à droite ou à gauche, par exemple. On fait dans ce cas appel aux outils statistiques ou d'intelligence artificielle d'aide à la décision. La troisième étape, dite traduction de l'intention du sujet en une commande robotisée ou virtuelle, associe, une fois l'intention décodée, une commande particulière qui permet, par exemple, de faire bouger une prothèse de main ou un robot, ou d'interagir avec un environnement virtuel. La quatrième et dernière étape, dite «retour perceptif sur le sujet», consiste à renvoyer à l'utilisateur une information (visuelle, sonore...) sur les tâches mentales identifiées par l'ICM pour lui permettre une adaptation à l'interface. Ainsi, ce qui était de la science-fiction devient réalité : les progrès réalisés dans les neurosciences, l'informatique et l'intelligence artificielle permettent la communication directe entre le cerveau et une machine. D'abord conçues pour un objectif médical, les interfaces cerveau-machine sont désormais créées aussi pour améliorer les performances humaines.