Des milliers d'employés dans le cadre de la formule du filet social viennent de recevoir leur notification de fin de contrat. Cette nouvelle est tombée comme un couperet sur les employés de plusieurs administrations, notamment les communes qui restent le premier employeur à puiser dans cette main-d'œuvre bon marché. Plusieurs enquêtrices sociales ayant fait pratiquement toute leur carrière à l'APC d'Alger-Centre ne savent plus à quel saint se vouer. La fin de ce contrat, annoncée pour juillet pour grand nombre d'entre elles, signifie qu'il n'y a plus d'espoir de se voir intégrer parmi les effectifs réglementaires de cette administration. Adieu donc le poste tant attendu. «J'ai donné 19 années de ma vie pour les services de cette APC, et au lieu d'une régularisation dans le poste, on me signifie la fin de mon contrat», témoigne une enquêtrice sociale de cette APC, racontant les maintes démarches effectuées auprès de la direction de l'action sociale et auprès de l'APC où elle travaille pour se faire réintégrer, en vain. Ils seraient quelque 75 000 employés à être recrutés dans le cadre du filet social, mis en place dans les années 1990 pour une insertion des jeunes dans le monde de l'emploi, selon les statistiques du ministère du Travail. «Une solution temporaire aux conséquences actuellement ingérables», approuve Mme Meghraoui, secrétaire nationale au Syndicat national autonome des personnels de l'administration publique (Snapap). Les jeunes recrutés via ces contrats, avec des salaires de misère ne dépassant pas les 5000 DA/mois, étaient censés être régularisés dans des postes permanents dès que l'occasion se présente. Or, des milliers de travailleurs ont constaté que la régularisation n'est pas systématique. «Les postes sont libérés ont été confiés à d'autres postulants, certainement plus chanceux, du moment qu'ils n'ont pas été contraints de subir l'attente et la précarité.» Un comité des employés du filet social est d'ailleurs né pour défendre leur droit à une intégration parmi les effectifs permanents et bénéficier ainsi d'une certaine stabilité aussi bien salariale que sur les prestations de la Sécurité sociale. Il faut savoir que pour un salaire mensuel de 5000 DA, ces employés ne bénéficient que de l'accès gratuit aux médicaments. Cette formule d'emploi ne garantit donc pas de retraite. «Imaginez qu'après toute une vie passée à travailler, pour un salaire minable, vous ne pourrez même pas espérer un centime à la fin de vos jours. Cela ne vous effraie-t-il pas ?», lâche une autre employée, désespérée d'avoir «perdu ma vie à attendre». Les employés du filet social assurent pourtant des tâches quotidiennement, tout comme leurs camarades permanents, c'est-à-dire exposés aux mêmes risques qu'eux, notamment pour les emplois nécessitant des déplacements. Enquêteur social, l'employé au filet social pourrait être appelé à travailler comme surveillant durant l'année scolaire, ou secrétaire, agent polyvalent ou agent de l'état civil, mais sans que son salaire soit revu. Le Collectif national des travailleurs du filet social accuse les administrations qui emploient des effectifs entiers sans se soucier de leur devenir, de pratiques «esclavagistes». «Si des milliers d'employés sont piégés dans ces postes, c'est qu'on leur a fait miroiter l'espoir de se faire intégrer plus tard, c'est une fois qu'ils ont dépassé l'âge de postuler à d'autres fonctions qu'ils se rendent compte de leur situation», souligne un syndicaliste du Snapap qui estime que «si les recrutements dans l'administration s'étaient faits dans la transparence, ce problème là ne se poserait pas». Le collectif dénonce la fin de contrat infligée à ces employés de manière «sournoise», indique Mme Meghraoui. «En plus de la précarité, les travailleurs du filet social doivent s'attendre à la fin de leur contrat à n'importe quel moment et sans aucune explication», s'inquiète-t-elle, dénonçant ainsi «le flou total» entourant cette formule. Une vingtaine d'années après leur lancement, le filet social et les autres formules d'emploi temporaire ont engendré un véritable casse-tête. La baisse des ressources ne fait qu'aggraver la situation. Les conséquences risquent d'être plus graves, sachant que près d'un millions d'employés sont sous contrat de travail temporaire (ANEM, DAIP et dont le salaire n'atteint pas le SNMG), financé par le Trésor public. Mme Maghraoui redoute le pire : «Dans une dizaine d'années, ces formules précaires auront abouti à des milliers d'effectifs de travailleurs sans retraite, appauvris, encore dans la précarité et sans aucune autre ressource !»