L'affaire prend l'allure d'un grand scandale qui éclabousse le service des garde-côtes d'Oran, puisque le chef de la station de la capitale de l'Ouest et celui de Bouzedjar viennent d'être placés sous mandat de dépôt par le tribunal militaire d'Oran, lequel a inculpé au moins 11 personnes citées dans le cadre de ce dossier, dont des officiers du service des garde-côtes. Tout a commencé avec l'arrestation, par des éléments de la Sûreté nationale, d'un dealer à Chlef, en possession de 500 g de cocaïne. Le mis en cause commence par les mener à un caporal des garde-côtes, puis au démantèlement d'un réseau de trafiquants agissant notamment dans les discothèques huppées d'Oran, mais aussi à un «gros bonnet» qui réside dans cette région, chez lequel une quantité de 30 kg de cocaïne (la même que celle trouvée à Chlef) a été découverte. Selon des sources proches de ce dossier, le mis en cause, détenteur d'un chalutier, aurait écoulé une vingtaine de kilos sur les 50 qu'il aurait acquis. A l'origine, la cocaïne proviendrait, selon nos sources, d'un stock saisi par les gardes-côtes, dont une partie aurait échappé à la destruction. Comment celle-ci a pu se retrouver entre les mains des narcotrafiquants ? Impliqués ou pas, les responsables des garde-côtes de la station d'Oran et de Bouzedjar ont été les premiers à être cités dans cette affaire. Raison pour laquelle le tribunal militaire d'Oran s'est autosaisi et a chargé la gendarmerie de poursuivre les investigations. La semaine dernière, au moins 17 mis en cause ont été présentés devant le parquet militaire, parmi lesquels sept sont des gardes-côtes, un colonel, deux commandants, un capitaine, un lieutenant et un caporal. Quatre mandats de dépôt ont été ordonnés par le magistrat instructeur, alors que l'enquête judiciaire commence à peine. Cette affaire, faut-il le préciser, a fait l'effet d'une bombe suscitant les plus folles rumeurs dans la rue oranaise, pourtant habituée aux cascades de démantèlements de réseaux de narcotrafiquants. L'implication des gardes-côtes, notamment des officiers, a fait couler beaucoup de salive et certaines sources bien informées n'écartent pas d'autres révélations sur ce trafic qui intervient au moment où les services de police viennent d'arrêter, au port d'Oran, un employé d'une compagnie de transport maritime de voyageurs en possession de 750 g de cocaïne. Depuis quelques années, Oran, qui a tendance à devenir la plaque tournante du transit de cette drogue dure, a fini par avoir son «marché» dans les quartiers huppés et les milieux fermés des «nouveaux riches» algériens. Chaque année, en plus de la saisie de quantités importantes de kif introduites du Maroc, les services de sécurité récupèrent d'autres de plus en plus importantes de drogue dure, alors que des volumes aussi énormes sont rejetés par la mer, après avoir été abandonnés par des trafiquants surpris par des patrouilleurs des garde-côtes ou le mauvais temps. L'Algérie, qui n'était il y a quelque temps qu'un marché de transit, est aujourd'hui connue comme un pays de consommateurs aussi bien de drogues douce que dure. L'affaire d'Oran est révélatrice d'un fléau qui trouve ses racines dans la complicité des uns et des autres…