Ce ne sont pas des bars, ni autres lieux fermés au commun des mortels. Ce sont, on le verra et on le comprendra à la vue des panneaux, affiches et autocollants qui ornent les vitrines, ainsi qu'à la jeunesse des clients qui attendent à l'extérieur que ce ne sont finalement que des salles de jeux vidéo. L'intérieur est sombre et éclairé juste par les écrans télés et la braise de quelques cigarettes. Un fond sonore digne d'un cauchemar domine, on ne s'entend même pas réfléchir. La playstation est l'objet roi en ces lieux, on voit des CD de tous genres circuler. Sur les écrans ce ne sont que spectacles glauques et sanguinaires, la violence règne avec majesté, ses adorateurs de tous âges communient et prient face au tube cathodique. Pourtant, les tarifs pratiqués, en moyenne 80 DA les 30 minutes, devraient en dissuader plus d'un. Etrangement, il n'en est rien, et pendant que des joueurs s'acharnent sur la manette et que d'autres attendent patiemment qu'une place se libère, certains ont les yeux rivés sur la ludothèque ornant les murs de la salle. Les jeux dédiés au football ont incontestablement la cote et restent extrêmement plébiscités par les jeunes joueurs. Signalons tout de même que l'appellation « jeunes joueurs » demeure particulièrement relative, car l'on pourrait être surpris de constater qu'un grand nombre d'adeptes des jeux vidéo ont au-delà des 30 ans. Abdelaziz, 32 ans, conducteur de bus, est un habitué des lieux. « Je n'ai jamais eu de console de jeu durant mon enfance car le phénomène n'était pas aussi intense que de nos jours. A présent, je rattrape mon retard », dira-t-il. De son côté, S. confiera que, selon lui, rien ne vaut l'atmosphère de compétition ludique et conviviale qui se crée autour des parties de jeu. « Des querelles éclatent de temps à autre mais le fair-play reste au rendez-vous en général. » Cet enthousiasme envers les jeux vidéo fait les choux gras des propriétaires des salles de jeu qui reçoivent en moyenne, 40 à 50 clients par jour. Ajouter à cela que leur chiffre d'affaires explose littéralement durant les vacances scolaires, pendant lesquelles les bambins ont tout loisir d'incarner leur footballeur favori ou leur pilote de course préféré. Les adeptes sans restriction d'âge donc sont légions, scotchés à l'écran, ces zombies ne réagissent plus au monde extérieur. Les parents, dépassés, n'ont ni pouvoir ni contrôle sur leur progéniture. « J'ai reçu une convocation de l'école à cause des absences de mon fils. Il ratait ses cours pour aller avec quelques gosses oisifs du quartier dans une salle de je. Mais avant cela, il passait du temps à vendre des sachets au souk pour pouvoir se payer un après-midi de play. Le gérant de la salle a nié une quelconque responsabilité de son établissement », se plaint un monsieur rencontré dans un café. Et d'ajouter : « Je n'arrive plus à le maîtriser, il est comme un drogué. Il ne peut passer une journée sans faire un tour dans une salle. » Ces salles devraient obéir à une réglementation, à des contrôles, à des limitations d'âge et d'horaires… Mais personne ne s'en occupe ! Mme Karima, mère du petit Billel, affirme qu'elle a catégoriquement interdit à son enfant de continuer à fréquenter les salles de jeux après qu'il eut développé des problèmes oculaires. « Billel avait les yeux rouges et enflés après chaque séance de jeu, durant lesquelles les flash et jeux lumineux ne manquent pas, alors j'ai mis le holà concernant les jeux vidéos. D'ailleurs, ma bourse ne s'en porte que mieux. » Des jeunes, rencontrés devant l'une des salles à Sétif, sont d'un autre avis : « Nous passons du bon temps entre copains ; on joue pour le plaisir. Nous organisons des tournois entre amis. Nous ne faisons rien de mal. Les adultes parlent d'activités louches et pas très honnêtes, nous, ce n'est pas notre problème. On se débrouille comme on peut pour avoir de quoi passer le temps, sans rien faire de mal. » Il est à noter que ces espaces sont assez nombreux à Aïn Fouara et se situent le plus souvent dans des coins « isolés ». Nabil Lalmi, Sewasen Ferrad