Les avocats de Kamel Daoud se disent satisfaits du verdict dans la mesure où sur le plan symbolique au moins, il signifie que la justice réprimera désormais toute menace de mort sur autrui. Le tribunal pénal d'Oran a condamné, hier, le salafiste Zeraoui Abdelfatah Hamadache, chef du parti non agréé dit «front de la sahwa islamique libre», à 6 mois de prison, dont 3 mois ferme, et au paiement de 50 000 DA d'amende pour avoir proféré «un appel au meurtre lancé contre le chroniqueur et écrivain Kamel Daoud». Au titre de l'action civile, le tribunal a ordonné au prévenu le paiement d'un dinar symbolique pour réparation du préjudice. Dans une salle d'audience à moitié pleine, le tribunal qui a prononcé cette condamnation, en se basant sur l'article 284 du code pénal, a ainsi répondu favorablement à la demande de la partie civile, représentée par maître Fodil Abderrezak. Contacté par nos soins, cet avocat affirme qu'il ne fera pas appel. «Nous sommes satisfaits. Nous avons eu ce qu'on voulait du moment que le tribunal a prononcé la condamnation», a-t-il réagi juste après le verdict. «Cette condamnation est symbolique, poursuit-il, pour signifier à ces gens-là que nul n'a le droit de menacer de mort autrui.» Pour des raisons de santé, Kamel Daoud, chroniqueur au Quotidien d'Oran, n'était pas présent à l'audience pour assister au verdict. Abdelfatah Hamadache, qui s'est présenté la semaine dernière au procès sans avocat, était également absent, hier, à l'énoncé du verdict. Le tribunal a ainsi retenu l'accusation d'appel publié, le 16 décembre 2014, sur la page facebook du prévenu, à «appliquer la mise à mort contre Kamel Daoud». Le 1er mars dernier, le représentant du ministère public avait requis 6 mois de prison ferme et 50 000 DA d'amende à l'encontre de Abdelfatah Hamadache, qui se réclame membre de la Ligue internationale des oulémas musulmans. Lors du procès, l'accusé a maintenu ses propos tenus dans son appel en expliquant qu'il «n'a fait que demander à l'Etat de condamner le journaliste par voie judiciaire, et ce, pour protéger l'islam». «L'écrivain apostat, mécréant, sionisé, insulte Dieu (…). Nous appelons les autorités algériennes à le condamner à mort publiquement. Si la charia islamique était appliquée en Algérie, la sanction serait la mort pour apostasie et hérésie.» Des propos haineux et violents que Hamadache a réitérés sur des chaînes de télévision. «Il a blessé les musulmans dans leur dignité et fait des louanges à l'Occident et aux sionistes. Il s'est attaqué à la langue arabe», prêchait encore le salafiste. Le lendemain, Kamel Daoud avait porté plainte pour «appel au meurtre» et «diffamation». Durant le procès, le procureur avait estimé que «tous les éléments constitutifs du délit sont réunis» en considérant que «l'accusé n'avait pas le droit de se substituer à la justice pour demander la condamnation du plaignant». Le parquet, qui n'a pas retenu l'accusation de «diffamation», a dix jours à partir de la notification du jugement au prévenu pour faire appel. Le coupable a un délai identique pour en faire de même. Cet appel au meurtre lancé par cet ancien militant de l'ex-Front islamique du salut (FIS) a suscité une vague d'indignation et une grande chaîne de solidarité à travers le monde. Des milliers de citoyens, intellectuels et artistes se sont mobilisés pour que justice soit rendue en condamnant l'extrémiste apologiste de la haine. Le mouvement d'opposition Barakat a condamné avec fermeté «cet appel odieux et criminel» et exprimé son soutien indéfectible au chroniqueur-écrivain. Une pétition avait appelé les ministres de la Justice et de l'Intérieur «à lancer des poursuites contre ces appels au meurtre qui nous rappellent les pires moments de l'Algérie face au GIA». «Nous condamnons avec force les appels au meurtre publics de Abdelfatah Hamadache, autoproclamé chef salafiste algérien», est-il affirmé dans cette pétition mise en ligne sur la Toile. Une page facebook a également été créée en signe de soutien au chroniqueur-écrivain. Des partis politiques ont aussi condamné ces «menaces sur les libertés».