Entre des rues grouillantes de monde et bruissantes, des commerces garnis jusqu'à déborder sur les trottoirs, Ramadhan à Béjaïa a cela de classique qu'il nous rassasie de cette image de confusion, de désordre et d'enivrement qui ne s'estompe qu'à l'appel des muezzins pour reprendre, quelque peu, en soirée. A mesure qu'approche le moment de rompre le jeûne, la ville s'étiole et comme par magie les vendeurs de bourek et des herbes ombellifères font de la place à l'entrée du marché couvert de l'ex-Cofel. Certains parmi eux sortent à peine de l'adolescence. Leur commerce est à la sauvette et ils s'en accommodent. La nuit, à la place des étals ayant porté, sur les trottoirs, les touffes de coriandre, persil, céleri,… ce sont des tas de déchets du marché entreposés qu'il faudra aux piétons éviter. A deux pas, ce sont des cartons vidés de leur marchandise, qui leur dispute l'espace public. Comme dans d'autres quartiers populeux de la ville, la rue de la Liberté doit partager avec le reste du décor citadin les retombées de l'enthousiasme ramadhanesque. L'encombrement est partout où des files de personnes se mêlent à des achalandages débordant des magasins ou simplement nés pour les besoins du mois sacré. Dans la ville, le commerce de la zlabia est un peu partout, mais surtout dans quelques restaurants qui ne s'encombrent pas des interdictions de reconversion occasionnelle signifiées par les services du ministère du Commerce. Un bout de plastique pour cacher l'enseigne et le tour est joué pour ce vendeur de téléphonie mobile pour se reconvertir en « tounsi » d'occasion aussi. Les occupants des marchés aux puces des Babors et d'El Khemis, eux, ne troquent pas leurs casquettes de vendeurs à la sauvette et point de reconversion. Avec la police, le jeu du chat et de la souris est presque au quotidien et comme une marée, les flux et les reflux se font au gré des descentes et retraits policiers. Leur témérité n'arrange sûrement pas les commerçants qui sont en règle. Ils sont nombreux à exercer à l'intérieur du marché d'El Khemis, comme dans celui de l'ex-Cofel, où le marchand de volailles, qui vous accueille sur le pas de la porte, n'a pas de peine à liquider ses poulets. Le marchand de fruits et légumes non plus et la mercuriale qui s'enflamme à cette période de l'année n'est pas pour freiner la frénésie des clients. « Réglos ou pas, durant le mois de Ramadhan, les commerçants sont tous pareils en ces temps des grandes emplettes » pourrait-on se dire. À Béjaïa, le Ramadhan est le mois des occasions qui n'attendent pas. Sur cette rue marchande, la fièvre est aussi sur cette banderole toute en couleurs qui porte une invite du président de l'APC. Le P/APC, que l'on a pris le soin de nommer, comme à l'accoutumée, sur ce bout d'étoffe soigneusement orné du sigle de l'assemblée communale, invite « l'ensemble de la population aux soirées ramadhanesques gratuitement ». A la clé, des « boissons chaudes » seront offertes, informe la même banderole accrochée là comme pour compléter un décor qui n'est que suffisamment encombré.