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«La qualité de l'huile de l'olive ne l'autorise pas à pénétrer les marchés normalisés»
Akli Moussouni. expert en agriculture et ex-président du Comité National Interprofessionnel Oléicole (CNIO)
Publié dans El Watan le 21 - 03 - 2016

Lors de sa visite à Annaba mercredi dernier, le Premier ministre Abdelmalek Sellal a, une fois encore, insisté sur la nécessité de se tourner vers l'exportation dans le domaine agricole : «Il faut qu'on produise pour exporter, mais les gens ne savent pas le faire», lançait-il à l'adresse du gérant d'une exploitation agricole à Aïn El Berda.
Exporter suppose conformité du produit aux normes internationales, autrement dit attesté par un label qui est un gage de qualité. Le produit agricole algérien a-t-il une chance de séduire le consommateur étranger ?
J'en doute fort, et les raisons sont multiples. Curieusement, au moment où l'agriculture du terroir, familiale, industrielle intensive, l'agroforesterie, la steppe et l'agriculture saharienne ne sont même pas reconnues en tant que sous-secteurs à développer, en parallèle et séparément, compte tenu de leurs spécificités, mais aussi au regard de l'anarchie que subissent les filières de large consommation du fait de l'instabilité des productions, donc des coûts, on cherche à développer des labels et du bio à travers des produits dits «pilotes» : la datte Deglet-Nour de Tolga (Biskra), l'olive de table de Sig (Mascara) et la figue sèche de Beni Maouche (Béjaïa). Démarche pour laquelle a été créé un comité national de labellisation.
Et encore une fois, c'est à des expertises européennes qu'il sera fait appel alors que 500 d'entre elles sont jetées dans les tiroirs des ministères, notamment celui de l'agriculture. Sachant que l'agriculture mondiale du produit labellisé, généralement bio car excluant l'emploi de produits chimiques, occupe à peine 5% des surfaces agricoles, mais ne représentant qu'à peine 1% de la production mondiale, on se demande quels marchés pourrions-nous séduire ? Par rapport au marché national et étrangers, ces produits dits «pilotes» coûtent déjà trop cher alors que leur qualité (en dehors de Deglet-Nour) laissent à désirer.
En plus, le procédé bio est suicidaire pour notre patrimoine végétal qui souffre de l'aridité de nos terres par manque de fertilisation, de la sécheresse de notre climat et du manque de professionnalisme de nos agriculteurs.
Et l'expert en oléiculture que vous êtes, pense-t-il que notre huile d'olive qui se distingue par sa diversité variétale et aromatique serait en mesure de grignoter des parts de marché, même minces, à celle de Tunisie, pays où elle est l'un des produits phares à l'export, essentiellement vers l'Europe, et absorbe plus du 1/5 de la main-d'œuvre agricole ?
Pour y parvenir, le chemin à parcourir est long et sinueux. Et pour cause : ce produit a, apparemment, été écarté après lui avoir accordé le statut de produit prioritaire dans un programme précédent, pour lequel on a fait appel de la même manière à des experts européens. Il y a lieu de savoir qu'il faut développer d'abord une qualité moyenne acceptable sur les marchés extérieurs. Actuellement, ce produit souffre du manque d'encadrement technique et de la nature anarchique de la filière. Notre huile d'olive ne répond pas aux normes de qualité requises et définies par le fort et exigeant Conseil oléicole international.
Il faut retenir que la qualité de ce produit, dans son contexte actuel, ne l'autorise pas à pénétrer les marchés normalisés. Des pratiques dévastatrices continuent d'être entretenues par la manière de faire de nos agriculteurs et autres opérateurs dans le domaine et font que les éléments physico-chimiques rémunérateurs de l'huile d'olive qui conditionnent sa qualité dans un marché normalisé à l'exportation sont détruits dans la quasi-totalité des cas.
Pouvez-vous nous éclairer davantage ?
Je parle de la mauvaise maîtrise des techniques de production, des règles de fabrication et de conditionnement. Considérant les paramètres critiques universels déterminant la qualité, ce facteur (non maîtrise) fait que les niveaux actuels sont largement dépassés par rapport au seuil fixé par la réglementation du commerce international. Il s'agit des seuils tolérés en termes physico-chimiques tels que l'acidité, dont le taux fixé ne doit pas dépasser 0,8% pour l'huile d'olive extra-vierge, l'indice de peroxyde et de pureté du produit (K232), le taux d'oxydation qui sont tous largement dépassés, alors que les phénols et polyphénols, pourtant indispensables, sont rejetés avec les résidus par la grâce d'un système d'extraction à deux phases, lequel système est progressivement abandonné de par le monde. Et, à ce jour, l'Algérie n'a pris aucune disposition pour, entre autres, sauvegarder l'environnement surtout lorsqu'on sait qu'un litre de margines rejeté dans la nature pollue 6000 litres d'eau.
Quant aux attributs sensoriels, qui agissent grandement sur la négociation des coûts du produit, ils sont totalement ignorés. Aussi, le conditionnement de certaines huiles dans des emballages très bien présentés, visibles sur les étals des nouveaux magasins ne rassurent pas quant à la qualité du produit, dans bien des cas douteux ou mal fabriqué.
Toutes ces faiblesses qui continuent de caractériser le produit national, en l'absence de la construction d'un marché normalisé, s'ajoute la fragilité économique de cette filière reléguée aux oubliettes et dont les produits ne bénéficient pas du critère «large consommation», bien qu'il soient capables de réduire la facture des matières grasses végétales entièrement importées. C'est dire qu'au lieu donc de perdre encore du temps à s'acharner à produire des labels économiquement insignifiants, il serait plus judicieux de revoir totalement la configuration de cette filière pour recadrer le programme dit «million d'hectares» lancé par le ministère de l'Agriculture entre 2010 et 2014, essentiellement au sud des Haut-Plateaux et dans certaines zones traditionnelles. Un programme jeté en pâture entre les mains d'opérateurs n'ayant pas été encadrés techniquement. Et ce, sans parler des enveloppes faramineuses octroyées à travers un PNDA qui n'a rien d'un programme de développement.


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