Je m'étais engagé, il y a quelques années, dans le processus de labellisation de huile d'olive que je produis, après plus de 15 longues années de recherches. Je fus assisté par un expert en oléiculture d'Aix-en-Provence, également membre très influent au Conseil Oléicole International, lequel décide des règles de commercialisation de l'huile d'olive dans le monde. A la dégustation, lors d'une manifestation agricole à Béjaïa, cet expert fut profondément séduit par l'étonnante richesse aromatique de mon produit : on y retrouve les goûts d'artichaut, du pin d'Alep, de la pomme Golden, ainsi que de l'amende douce. Il a aussitôt saisi le ministère de l'Agriculture de l'époque pour entamer les démarches nécessaires. La labellisation dépendait des résultats de l'évaluation de la traçabilité de l'olivier qui devait s'étaler sur 5 ans. Et, à sa grande surprise, l'expert européen sera invité à abandonner le projet et à quitter le pays pour des raisons, à ce jour inexpliquées». Ce témoignage de Lhacene Messak, un oléiculteur basé dans la zone industrielle de Berrahal, illustre, à bien des égards, l'étendue du fossé qui sépare le discours officiel de la réalité du terrain. D'un côté, nos décideurs juraient, et jurent encore, comme des troupiers que tout est mis en œuvre pour promouvoir les exportations algériennes hors hydrocarbures, de l'autre, est systématiquement étouffée toute initiative allant dans ce sens. Sinon comment peut s'expliquer l'attitude curieuse de ceux qui étaient censés ouvrir toutes les portes à un projet d'une telle importance ? D'autant que, au même titre que ses collègues, près d'une trentaine, de Bouira, Jijel, Tizi Ouzou et Béjaïa, l'ambition de cet oléiculteur qui est également propriétaire de l'oliveraie exploitée - 6000 oliviers greffés - ainsi que d'une usine de trituration d'une capacité de 18 q/h, consistait à en faire «la locomotive pour relancer la labellisation des régions, comme ce fut le cas pendant la période coloniale», nous dit-il. La finalité étant d'imposer une huile d'olive algérienne dotée d'un label AOC (Appellation d'origine contrôlée) sur un marché international de plus en plus exigeant. Les variétés existantes, notamment à l'Est du pays, sont susceptibles de faire de cette ambition une réalité. Parmi les meilleures, disponibles dans les régions de Annaba, El Tarf, Skikda et des Aurès, «on retrouve la blanquette et la rougette, d'où peuvent être extraits jusqu'à 20 à 25 litres par quintal d'olives fraîches. La Chemlal est une autre variété à même de produire 17 à 20 l/q. Il y a également Ferken des régions de Tébessa et Khenchela. Réputée pour son excellente qualité, on peut y extraire jusqu'à 30 l/q», détaille M. Messak qui affirme être disposé à mettre son usine et son oliveraie au service de la recherche scientifique ainsi que de la formation professionnelle, et ce, à titre gracieux (il a déjà assisté dans leurs travaux de recherches en oléiculture plusieurs doctorants dont 4 issus des universités d'Annaba et Skikda). A ses yeux, les études de l'impact de l'évolution des habitudes de consommation sur la demande en huile d'olive dans différentes régions du pays ont fait ressortir l'importance majeure de l'introduction du processus label de qualité. En effet, explique M. Messak, «notre pays a perdu tous les labels de qualité qui existaient avant 1962. Aucun effort n'a été fait pour les reprendre. Pourtant, gagner les faveurs des consommateurs européens ou d'autres contrées, notre huile d'olive en est capable. Nous pouvons même se faire une place de choix sur le marché international vu la faible consommation locale annuelle, soit moins d'un litre par habitant. Ce qui offre à l'Algérie des débouchés sûrs à l'export. Il suffit de penser à la labellisation et l'augmentation du volume de production pour y parvenir.» En effet, sauf saison exceptionnelle, où la production peut atteindre les 30 000 t, l'oliveraie algérienne estimée à 20 millions d'arbres - une superficie de près de 250 000 ha - génère actuellement une production d'huile d'olive se situant autour de 9000 à 15 000 t et environ 9000 t d'olive de table. Cette oliveraie se compose pour l'essentiel de la variété Chemlal à 30%. Grande productrice d'huile et dont la vigueur lui permet de tirer partie des sols pauvres, explique Akli Moussouni, expert en oléiculture, cette variété s'étend du mont Zakkar à l'Ouest et aux Bibans à l'Est. Quant à la Sigoise, 20% des surfaces cultivées, on la retrouve dans l'Oranie et, plus particulièrement à Sig, d'où son nom. «Excellentes olives de conserve, qui avaient acquis, par le passé, un droit de cité sur le marché international, ces deux variétés cohabitent avec une multitude d'autres : locales (Azzeradj, Limli, Bouricha…) et étrangères (Cornicabra, Sevillane, Blanquette, Lucques, Picholine)», ajoute-t-il. Cependant, en matière de qualité, beaucoup reste à faire. Pour lui, l'introduction de ce produit sur le marché international reste tributaire du respect de normes drastiques de qualité, dont notamment la conduite culturale et le taux d'acidité. Ces normes sont définies par le Conseil oléicole international (COI). Ainsi, la labellisation demeure la contrainte majeure à laquelle se heurtent les oléiculteurs et elle est essentiellement due à l'absence d'un organisme de certification exclusivement dédié à la filière huile d'olive. C'est justement parce qu'il y a pensé depuis plusieurs années que le voisin de l'Est a réussi à installer confortablement son huile d'olive sur le marché international, européen en particulier. En témoigne : l'UE - qui exporte de l'huile d'olive vers l'Algérie - a importé quelque 145 000 t d'huile d'olive tunisienne en 2014/2015 contre 32 000 t en 2013/2014 et 111 400 t en 2012/2013. Ainsi, au moment où les oléiculteurs tunisiens ont quadruplé leurs ventes à l'étranger, tirant profit de la pénurie européenne provoquée par la bactérie ayant infecté les oliviers en Italie et la sécheresse qui a frappé l'Espagne, les quelques tentatives algériennes à l'export ont rarement franchi le seuil des… 2 q si ce quasi nulles, et ce, malgré la diversité variétale, les possibilités de renforcement des vergers et les milliards de dinars engloutis dans des programmes agricoles stériles.