L'action Ford a reculé de près de 5% jeudi à Wall Street en réaction à un article de presse selon lequel le constructeur pourrait perdre jusqu'à neuf milliards de dollars cette année. L'information diffusée par le Detroit News intervient au dernier jour d'une réunion du conseil d'administration consacrée à l'examen d'un plan de restructuration plus poussé. Selon le journal, le deuxième constructeur automobile américain pourrait accuser cette année une perte avant impôts de 8 à 9 milliards de dollars du fait des difficultés de ses opérations automobiles et de charges de restructuration. L'activité automobile devrait subir une perte de l'ordre de 5,6 à 5,9 milliards de dollars, précise le journal en citant un rapport interne, en date du 6 septembre dernier, des services du directeur financier Don Leclair. « Nous ne commentons pas les spéculations », a déclaré Oscar Suris, porte-parole de Ford. « Nous ne vérifions pas l'authenticité de toute information confidentielle diffusée indûment hors de Ford Motor Co. », a ajouté une autre porte-parole. L'action Ford perd 2,4% à 8,97 dollars vers 15h45 GMT sur le New York Stock Exchange, après avoir touché 8,76 dollars. Elle avait clôturé à 9,19 dollars mercredi. Cette baisse est la plus marquée en un jour depuis le 21 août, quand le constructeur avait annoncé de fortes baisses de production. La perte projetée représenterait près de six fois la perte avant impôts d'un milliard de dollars enregistrée par la division automobile l'an dernier. JP Morgan souligne que si ces chiffres sont avérés, les pertes imposables de la division automobile de Ford en 2006 dépasseront de très loin les prévisions de la société, soit 3,7 milliards de dollars, et les prévisions du marché. Les difficultés du constructeur sont liées notamment, comme pour son rival et numéro un General Motors, à la concurrence des constructeurs asiatiques et à la chute de ses ventes de modèles trop gourmands en essence. Le 5 octobre, Ford a nommé à sa tête un ancien de Boeing, Alan Mulally, pour redresser la barre du groupe qui était dirigé depuis cinq années par Bill Ford Jr, arrière-petit-fils du fondateur (il reste président du conseil d'administration). Le conseil d'administration achevait jeudi sa réunion consacrée à de nouvelles mesures de restructuration qui pourraient être annoncées dès aujourd'hui. Hier soir, Ford Motor a annoncé au syndicat United Auto Workers Union qu'il proposerait un plan de départ volontaire à tous ses ouvriers adhérents à l'UAW et travaillant aux Etats-Unis dans le cadre de l'accélération de son plan de restructuration. Dans un e-mail envoyé aux membres de l'UAW, l'organisation syndicale ajoute que Ford a fait cette proposition à plus de 75 000 ouvriers syndiqués afin de tenter de réduire ses coûts face à ses pertes de parts de marché en Amérique du Nord. Les offres, qui comprennent des incitations au départ en retraite anticipée, ont également été élargies aux ouvriers d'Automotive Components Holdings, un groupement d'usines précédemment détenu par Visteon, autrefois filiale de Ford. Ford a également annoncé jeudi soir que deux de ses dirigeants avaient décidé de quitter le groupe, Anne Stevens, vice-présidente exécutive et directrice générale déléguée en charge de la division Amériques, et David Szczupak, vice-président du groupe en charge des activités de fabrication. Le constructeur avait adopté jusqu'ici une approche moins offensive pour réduire de 30 000 ses effectifs en usines d'ici 2012. Depuis un mois, la rumeur voulait que le numéro deux américain s'apprête à passer la vitesse supérieure en emboîtant le pas au leader General Motors, dont le plan de redressement drastique semble porter ses fruits. « La pression va croissant », résume l'analyste de Merrill Lynch John Murphy. Des ventes d'actifs ou des suppressions de postes pourraient être positives à court terme, ajoute-t-il, mais le groupe doit aussi songer à une restructuration en profondeur. Cela signifie une modification de la structure actionnariale ou la suppression du contrôle de la famille Ford, une réduction plus prononcée de la capacité de production, une nouvelle convention du travail avec le syndicat United Auto Workers et une direction plus agressive, estime-t-il dans une note à ses clients. La restructuration stratégique envisagée par le constructeur automobile ne conduira pas à une réorganisation importante de ses activités européennes, qui sont rentables, a déclaré pour sa part le PDG de sa filiale en Europe, John Fleming. « Nous allons continuer de faire ce que nous avons toujours fait : nous continuerons d'affiner notre masse et de gagner en efficacité année après année, mais sans réorganisation majeure », a-t-il dit à des journalistes lors d'un salon à Francfort. Le constructeur américain a annoncé que les ventes de sa marque Ford dans 21 pays d'Europe, dont la Russie et la Turquie avaient diminué de 400 véhicules en août, à 95 300 unités. Sur les huit premiers mois de l'année, elles sont en hausse de 17 000 unités à 1,14 million de véhicules.