Ouyahia a raison de dire que la photo de Bouteflika tweetée par Valls est un «acte abject» tant elle est assassine et déroge aux règles diplomatiques les plus élémentaires. Mais l'acte le plus criminel commis par le patron (contesté) du RND et ses pairs du clan présidentiel (si tant est qu'il y figure) est d'avoir poussé le chef de l'Etat à cet état désastreux. L'attitude la plus digne et surtout la plus humaine à l'égard de Bouteflika après son AVC aurait été, avant 2014, de ne pas le pousser vers un quatrième mandat, de le laisser loin de toute charge politique afin qu'il puisse gérer sa maladie dans le repos le plus absolu. Egoïste et calculateur, son entourage avait besoin de la couverture présidentielle et de son nom pour se maintenir dans les hautes fonctions et gagner en privilèges de toutes sortes. Bouteflika a été laissé à découvert, souffrant en direct, se donnant malheureusement en spectacle. Filmées par la télé publique souvent avec des montages maladroits, ses apparitions ont fini par être exploitées par les vrais ennemis de l'Algérie (à l'image de Valls), mais légitimement commentées par l'opinion publique et les médias nationaux qui y voient une situation anormale hautement préjudiciable à la bonne marche du pays et à son image internationale. Ouyahia dénie à ces derniers leur droit à l'interrogation, il en vient à diaboliser tous ceux qui considèrent que Bouteflika est simplement un homme public, non sacralisable, comptable de sa gestion présidentielle. Il ne saurait bénéficier d'un système spécial au détriment des intérêts suprêmes de la nation. Ouyahia lui-même, à un certain moment, avait émis publiquement des doutes sur les capacités de Bouteflika à accéder à un autre mandat (le quatrième). Aujourd'hui, il avoue que les capacités physiques de Bouteflika sont diminuées par rapport à 1999. Comme il est aussi chef de cabinet, c'est-à-dire le plus proche du président de la République, c'est un lourd aveu qui tranche avec ses déclarations antérieures et avec les propos du Premier ministre et du secrétaire général du FLN. Ouyahia dit officiellement que l'Algérie est dirigée par un Président incapable d'assumer toutes ses fonctions officielles. Tout en allant dans le sens de Valls, n'ouvre-t-il pas la voie à l'état d'empêchement ? Le secrétaire général du RND joue un double jeu : d'un côté il diabolise ceux qui critiquent l'état de santé du chef de l'Etat ; de l'autre il leur donne raison. Du pur style Ouyahia version 2016, contesté ouvertement à l'intérieur de son parti, où son autoritarisme et sa gestion basés sur l'invective et le rejet systématique de l'autre ne font plus recette. Mis à nu, le petit roi du sérail politique rêve peut-être d'un autre destin, peut-être le palais d'El Mouradia, ce qui explique le (petit) coup perfide asséné à son propriétaire actuel.