En démissionnant hier de son poste de patron du RND qu'il occupait depuis 1999, Ahmed Ouyahia a ouvert la voie à toutes les supputations. Retrait tactique ou mort politique ? Pour l'instant, les «redresseurs» reprennent la main. Même si Ouyahia veut laisser derrière lui l'image d'un chef qui se «sacrifie» pour l'unité du parti. En décidant hier, jeudi, de démissionner du poste de secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia a pris ses adversaires de court et a soigné sa sortie. Dans une longue lettre adressée aux militants et rendue publique sur le site web du parti, le futur ex-patron du Rassemblement national démocratique a énuméré les raisons qui l'ont poussé à prendre cette décision, qui lui paraît la seule à même de sauvegarder l'unité du parti. «La situation actuelle risque d'évoluer vers une dérive dangereuse pour l'avenir du parti», écrit-il. L'homme, qui avait réussi jusque-là à maintenir la cohésion du parti et son unité, a estimé que «le processus d'installation de bureaux locaux parallèles du parti aboutirait à la division des militants et même au risque de confrontation parmi eux», allusion à peine voilée aux affrontements qui avaient eu lieu lors de la réunion du comité central du parti, à Sidi Fredj, en juin 2012, entre militants du FLN. Ahmed Ouyahia devait faire face à un mouvement de contestation et à un lâchage en règle de la plupart des ministres issus de sa formation politique qui, tous, publiquement, demandaient son départ. «Ouyahia était lâché de partout, analyse un politologue sous le couvert de l'anonymat. Il l'a compris et a décidé de partir avec les honneurs avant que ses adversaires ne le fassent partir de force.» Plusieurs noms ont été cités pour prendre la tête du parti, mais l'option Abdelkader Bensalah, président du Sénat, paraît la plus vraisemblable. «Bensalah a une image consensuelle qui plaît aux militants. En plus, il pourra continuer de présider le Sénat car aucun texte ne lui interdit d'occuper les deux fonctions», ajoute une autre source. Simple militant Pour sa part, l'ex-ministre de la Santé, Yahia Guidoum, coordinateur du mouvement pour la sauvegarde du RND, a affirmé, dans une déclaration à El Watan Week-end, que ce départ ne constitue pas «la victoire d'un camp contre un autre, mais permettra de consolider l'unité du parti, ce que n'a pas réussi à faire Ouyahia». Par ailleurs, l'ancien ministre a affirmé qu'il n'avait aucune ambition politique et que sa mission prendrait fin avec l'organisation du prochain congrès du RND : «Ma mission se terminera quand le congrès aura été organisé. Par la suite, je redeviendrai un simple militant.» Pour autant, cette démission annonce-t-elle la fin des ambitions présidentielles d'Ahmed Ouyahia pour 2014 ? S'agit-il d'un repli politique pour préparer un retour en force lors du congrès du parti, prévu pour le premier semestre 2013 ? «Il est cramé. C'est terminé. Tout le monde va le lâcher. Pour les militants, cette démission est un signe de son lâchage politique. Dès demain matin, il comptera ses soutiens sur les doigts d'une seule main», estime un analyste politique. « Il ne bénéficie plus du soutien de ses parrains, proches du camp des redresseurs, laminé par Bouteflika. Son départ était décidé et inéluctable. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue le mépris que le Président avait pour lui», note la même source. Pour notre interlocuteur, la soi-disant force d'organisation et l'unité affichée depuis des années par le parti est une chimère. «Le RND n'est pas un parti mais une machine administrative. Il a été créé avec comme objectif à long terme de l'arrimer au FLN», appuie le politologue. Une analyse que ne partage pas un journaliste politique qui estime que le SG du RND se garde bien d'annoncer, dans son message aux militants, son intention de ne pas se porter candidat à la prochaine élection présidentielle : «Il a pris une décision intelligente. Il garde la porte ouverte au cas où. Comme un bon marin, il sait que pour l'heure, les vents lui sont défavorables. Il préfère attendre pour se reconstituer des forces. Ouyahia est en embuscade au cas où l'état de santé du Président ne lui permettrait pas de briguer un quatrième mandat.» Les deux analystes sont par contre sûrs d'une chose : la tempête va maintenant souffler du côté de Hydra, au siège du FLN.