Les images de l'entretien accordé par Bouteflika au Premier ministre français, dimanche dernier, montrent un Président très amoindri physiquement. L'opinion choquée et indignée s'interroge sur l'état de santé du premier magistrat du pays, alors que les officiels s'entêtent à affirmer qu'il est en possession de tous ses vwmoyens. On savait le président Abdelaziz Bouteflika malade. Survivre à un accident vasculaire cérébral (AVC) — qu'il a eu en avril 2013 — , tous les médecins vous le diront, relève du miracle. D'ailleurs, tout le monde était surpris de le voir briguer, dans l'état de santé qui était le sien et dans des conditions très contestées, un quatrième mandat. On le savait, en effet, très malade. Mais les récentes images du Président, dont celle tweetée hier par le Premier ministre français, Manuel Valls, choquent, irritent, humilient et inquiètent. Elles montrent un Président très fatigué, amoindri par la maladie. Le regard hagard et perdu, prononçant difficilement quelques mots, presque impotent devant un hôte visiblement très gêné. La problématique de la capacité du locataire du palais d'El Mouradia d'assurer les charges de la fonction présidentielle est plus que jamais d'actualité. Dans un article publié à la veille de la visite du Premier ministre français à Alger, le Journal du dimanche a indiqué qu'«une source diplomatique informée de la rencontre (la semaine dernière) à Alger entre Jean-Marc Ayrault et le raïs algérien lui a confié que ce dernier ne parvient plus à faire entendre le son de sa voix, avec ou sans micro». «Le Président, ajoute le journal français, serait apparu plus affaibli que lors de ses derniers entretiens avec des émissaires français, avec une apparente difficulté à bouger les membres supérieurs.» La photo du président Bouteflika on ne peut plus éloquente, mise en ligne par Manuel Valls, renseigne sur la grande fatigue et l'ampleur des séquelles inévitables que peut entraîner un AVC. Sur les réseaux sociaux, la dernière image du chef de l'Etat a fait le buzz. Son état de santé alimente des craintes légitimes chez les Algériens qui se demandent de quoi sera fait demain. En plus du sentiment d'humiliation et de colère provoqué par le tweet de Valls, la santé du premier magistrat du pays suscite aussi maintes interrogations sur la manière dont sont gérées les affaires publiques. On a du mal à imaginer qu'un Président aussi malade et amoindri puisse avoir la capacité de veiller au bon fonctionnement de l'Etat. Survient alors la question qui fâche et qui fait jaser ceux qui tirent profit d'une telle situation. Qui détient la réalité du pouvoir ? Qui gouverne en Algérie ? Qui décide ? Le Président était-il au moins au courant de toutes les décisions qui ont été prises depuis sa reconduction lors de l'élection présidentielle d'avril 2014 ? Les partis de l'opposition parlent de «vacance du pouvoir», certains de ses amis proches — qui ont créé le Groupe des 19 pour demander audience au président Bouteflika qui avait, d'ailleurs, l'habitude de les recevoir — se demandent si le chef de l'Etat était au courant des décisions politiques prises. La démarche de Zohra Drif, Khalida Toumi, Louisa Hanoune et autres personnalités nationales n'a à ce jour pas abouti. Pis, pour avoir osé lui demander audience pour l'informer de «choses graves» dans la gestion du pays faites en son nom, elles ont eu droit à un chapelet de critiques et même d'insultes de la part de ceux qui pensent être en droit de défendre l'institution présidentielle, entre autres le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Amar Saadani. La dernière image du Président fait douter le commun des mortels de ses capacités à gérer des dossiers aussi lourds que la crise financière et économique qui frappe l'Algérie après l'échec de toutes les politiques mises en œuvre depuis son arrivée au pouvoir en 1999, des scandales de corruption que le pays ait connus depuis son indépendance en 1962, des menaces pesantes d'un contexte sécuritaire explosif dû à un voisinage instable à tout point de vue. Les dernières images du président Bouteflika, les Algériens — jetez un coup d'œil sur les réseaux sociaux — en pleurent, s'inquiètent, se sentent humiliés et prient que «Dieu protège l'Algérie». Nos partenaires étrangers, eux, en rient sous cape et des médias français trouvent matière à se gausser d'un pays qui a payé chèrement son indépendance au terme d'une fabuleuse Révolution.