Il est près de 14 h et aucun fumet ne sort du restaurant Rahma jouxtant la Munatec. C'est qu'on est en retard sur l'heure à laquelle on a l'habitude de commencer à préparer les repas. Les denrées n'ont pas été livrées à temps, explique une des bénéficiaires, dont les mains épluchent puis coupent en deux les pommes de terre avec une extrême dextérité. Mustapha, jouant les aides cuisiniers, leur donne un coup de main dans son travail. Bientôt l'évier, éclatant de blancheur, est plein de pommes de terre coupées en deux. Creusées profondément par Mustapha, cet autre bénévole au chômage, elles seront farcies de viande et plongées dans la sauce qui bout sur un réchaud. Dans une marmite, la chorba cuit. Les deux préparations culinaires n'ont pas atteint le degré de cuisson pour dégager le fumet appétissant que l'on respire avec délices aux abords de ces temples dédiés, à la gastronomie. L'éplucheuse n'est pas pour autant démontrée. Tout sera servie à l'heure de la rupture du jeûne. A côté, une autre jeune bénévole s'affaire près des deux plongeuses. Lakhdar, avec un tablier, annonce le menu de ce soir : chorba, dolma, boulettes de viande, limonade, zlabia ou qualbe ellouz, poire, melon, raisin, bananes, yaourt ou crème dessert, selon que l'on a donné l'un ou l'autre dessert hier. Pour varier, quoi. Mourad, le chef de bénévoles, chômeur lui aussi, nous introduit dans une grande salle vide. Les tables et les chaises ont été sorties pour le nettoyage. Des taches sombres maculent ici et là le sol. On allait laver et passer la serpillière tout à l'heure. Dans un coin, sur un réfrigérateur, un petit poste de télé en noir et blanc. Pendant que les jeûneurs mangent, ils regardent les sketches qu'on diffuse à cette heure. On passe dans l'autre salle, faite pour accueillir 23 tables, comme l'autre, elle aussi sur le point de subir un nettoyage de fond. Quand il y a plus de monde, les retardataires s'installent debout autour d'une sorte de comptoir. Sauf pour les deux éléments féminins, le groupe de bénévoles qui sert les repas pour 250 personnes, voire 300 certains soirs, reste quelquefois à manger.