L'anniversaire du Printemps berbère est particulier cette année. Les acteurs du Mouvement culturel berbère (MCB), parmi lesquels d'anciens détenus de 1980, se sont retrouvés à l'auditorium de l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou pour apporter leurs témoignages sur ces événements et sur la période durant laquelle le pouvoir avait réprimé la population et les défenseurs de la cause amazighe. Le doyen des militants, Me Ali-Yahia Abdennour, était là, aux côtés de Saïd Khelil, Mouloud Lounaouci, Ali Brahimi, Arezki About, Rachid Aït Ouakli et d'autres encore, comme Amar Fali, Saïd Boukhari, Arab Aknine et Saïd Douamne. Les interventions ont porté sur un point principal : dépasser les divergences pour la remobilisation. Pour Samy-Hassani Ould Ouali (coordinateur du syndicat des universitaires, le CNES, organisateur de la rencontre) «les retrouvailles d'aujourd'hui sont un hommage à nos aînés et une opportunité pour tracer des projets communs dans le respect des divergences politiques, mais dans l'union». Cette rencontre, décidée par le CNES, le Snapap et la Coordination locale des étudiants (CLE), était une réponse au pouvoir, qui a interdit des conférences dans les enceintes universitaires, et un socle pour ériger un nouveau départ pour le mouvement berbère, a-t-on espéré. Dans ce sens, Me Ali-Yahia a appelé à la mobilisation et à l'union : «Rien ne se fera sans la Kabylie et rien ne se fera contre la Kabylie. L'union que nous voulons n'est pas uniquement pour la Kabylie elle-même, mais aussi pour l'Algérie.» Tout en vilipendant le régime qui se «maintient par la corruption», il a qualifié le président de la République, le Parlement dans son ensemble et la Constitution d'«illégitimes». Pour sa part, Rachid Aït Ouakli est revenu sur l'esprit de 1980 et ses valeurs : «Notre université, bastion de la réflexion et de la protestation, était une véritable communauté, unie et soudée derrière des objectifs bien définis. Nous étions traversés par des courants politiques différents — FFS, trotskystes, berbéristes — mais ces différences étaient une richesse. Nous avons pu éditer des publications clandestines sous la répression et le dénigrement du pouvoir. Peut-on aujourd'hui poursuivre cet idéal et reconstruire ce qu'on a démoli ?» La rencontre d'hier n'a pas été une rétrospective des événements du Printemps berbère et une opportunité pour les détenus de narrer les conditions de détention ; elle a été un creuset pour construire un avenir pour d'autres combats, l'officialisation de tamazight étant considérée comme une autre étape du déni identitaire, tant tamazight est confiné dans une position de langue mineure, ont relevé les participants à cette rencontre. A noter que le détenu le plus populaire, Saïd Sadi, a décliné l'invitation. Il était également absent, avant-hier, à une rencontre similaire à Draâ El Mizan.