Une dizaine d'acteurs et de détenus du Printemps berbère d'Avril 80 se sont retrouvés, hier, à l'auditorium de l'université de Tizi Ouzou pour animer conjointement, et c'est une première, une conférence organisée par la communauté universitaire sur tamazight et le combat d'Avril 80. Mouloud Lounaouci, Arezki About, Saïd Khelil, Saïd Doumane, Saïd Boukhari, Mohand Ouamar Oussalem, Arab Aknine, Ali Brahimi, Rachid Aït Ouakli et Ali Yahia Abdenour étaient tous là pour apporter leurs témoignages sur cet épisode qui constitue un des plus importants tournants politiques de l'Algérie post-indépendance et également développer leurs points de vue sur la question de l'officialisation de tamazight. "Tamazight a été officialisée d'une manière transitoire. N'étant pas inscrite dans l'article 78 portant sur les constantes nationales, n'importe quelle Constitution à venir peut la remettre en cause et la retirer", a déclaré Mouloud Lounaouci pour qui "son introduction dans la nouvelle Constitution n'est qu'un piège", dans le sens où, selon lui, plusieurs problèmes majeurs sont déjà posés. "26 ans après son introduction dans l'enseignement, voilà qu'on repose encore le problème du caractère de sa transcription et le choix de ce caractère est un choix idéologique, et moi, je veux que ma locomotive soit arrimée au monde moderne avec sa transcription en latin. Il y a aussi le problème du choix d'un dialecte référentiel, et aussi le problème du contenu de son enseignement. Si tamazight est utilisée pour enseigner un contenu arabo-baâthiste, il vaut mieux encore la laisser là où elle est", a expliqué Mouloud Lounaouci. Pour sa part, Saïd Khelil a estimé que "si la génération d'Avril 80 a affronté le parti et la pensée unique, le combat de la génération actuelle est plus dur dans le sens où elle doit affronter à la fois une idéologie arabo-islamiste qui a trouvé un ancrage dans la société et la corruption qui a fait des ravages dans la société". Arezki About a insisté sur la solidarité car, a-t-il estimé, "il ne peut y avoir de militantisme sans solidarité" et Arab Aknine a dénoncé "la tentative du pouvoir de manipuler et récupérer la célébration du 20 Avril par la folklorisation". "Hier, on nous a réprimés, insultés et emprisonnés, et aujourd'hui, ils viennent célébrer notre combat en le pervertissant", a-t-il déploré. Et Rachid Aït Ouakli d'enchaîner : "Ils nous disent que le 20 Avril est national, alors que lorsqu'il s'agissait de récidiver en tuant des jeunes, c'est seulement en Kabylie qu'ils l'ont fait en 2001." Lors de son intervention, Ali Brahimi a soutenu que "l'officialisation de tamazight n'est qu'une diversion pour faire oublier les 800 milliards de dollars dépensés pour rien, le retour de Chakib Khelil et la guerre menée contre l'opposition". Après s'être longuement étalé sur la genèse de la question amazighe depuis la crise berbériste de 1949, Ali Yahia Abdenour a estimé que la Constitution qui a vu tamazight devenir officielle est "illégitime" car, a-t-il expliqué, "le Président qui l'a officialisée est lui-même illégitime, tant il a été élu par les décideurs de l'armée et non par le peuple, et le Parlement qui l'a adoptée est tout aussi illégitime". S. L.