Bouredji Chaker Amireddine est psychologue clinicien. Il prépare un doctorat portant sur la psychologie de la santé. A travers cet entretien, il revient, notamment, sur les causes du stress routier et ses répercussions sur le comportement et la santé de l'automobiliste. - Finalement, conduire une voiture est-ce un plaisir ou au contraire une contrainte ? Se déplacer en conduisant sa voiture pour quelque motif que ce soit nous évite les désagréments des transports en commun. Cependant, ce plaisir de conduire se transforme vite en cauchemar à cause de l'état déplorable de nos routes, des chauffards indélicats, des ralentisseurs qui n'en finissent pas, même sur les voies à grande vitesse, et surtout les embouteillages éreintants et suffocants. - Le stress du conducteur existe-t-il alors ? Bien sûr qu'il existe. Le stress du conducteur est lié au volant et se concentre dans les grandes agglomérations et sur les trajets quotidiens en voiture. Les embouteillages, le temps passé dans sa voiture dans les longues files, les manœuvres, etc., sont autant de situations difficiles à gérer et qui engendrent automatiquement du stress. - Quels sont, selon vous, les principaux facteurs, source de stress chez le conducteur ? L'installation aléatoire, non étudiée et le plus souvent inappropriée des dos-d'âne et leur nombre, en plus de la déformation ou la malformation des routes utilisées excitent, puis incitent les conducteurs à augmenter la vitesse lorsqu'ils se trouvent enfin dans une voie plus fluide. Cela engendre une conduite dangereuse ou inadaptée chez certains automobilistes, victimes de stress. Les embouteillages et l'imprévisibilité de la trajectoire sont aussi une autre source importante de stress, c'est-à-dire le même départ ne donnera pas forcément la même arrivée du jour au lendemain, ce qui met le conducteur, coincé dans un embouteillage imprévu ou plus lassant, dans la peur d'être en retard à son lieu de travail ou de gâcher carrément la journée. - Comment se manifeste le stress chez un conducteur pris dans un gros bouchon sur le plan comportemental ? Le stress se manifeste généralement par la perte de patience, la colère, la fatigue, l'énervement, la perte de la concentration. Des comportements à risque qui font perdre le contrôle du volant et qui poussent à commettre des infractions et à mettre en danger la vie des autres automobilistes - Et sur le plan physiologique ? Tout commence par la perception des idées en tête, du genre, je serai en retard au travail, mon supérieur me trouvera des arguments pour défalquer de mon salaire les heures de retard, ma journée est partie en fumée, etc. A partir de cette situation, le rythme cardiaque s'emballe, le flux du sang est détourné vers les muscles squelettiques et l'on ressent un déséquilibre. La température du corps, la pression sanguine et le rythme respiratoire demeurent plus élevés, et il se produit une brusque libération d'hormones. S'il n'est pas dépassé, le stress peut, le cas échéant, épuiser les réserves de l'organisme. A ce stade, la personne stressée devient plus vulnérable aux comportements à risque. Dans les cas extrêmes, il y a évanouissement, voire la mort. - Selon vous, les automobilistes représentent-ils une population à fort risque de contracter une maladie psychosomatique ? D'abord, qu'est-ce qu'une maladie psychosomatique ? C'est une maladie organique caractérisée par la préséance d'un élément, au moins, d'ordre psychologique. Une élévation du taux d'hormones de stress subi quotidiennement induisant les réactions physiologiques dont des régulations neuro-endocrino-immunitaires provoqueraient des réactions inflammatoires et des altérations endothéliales (hostilité, agressivité, compétitivité avec les autres automobilistes). Ce type de réactions peut faire diminuer les défenses immunitaires. Cela va affecter, au fur et à mesure, la genèse et l'évolution de certaines maladies dites psychosomatiques, telles que l'ulcère, le diabète ou l'hypertension artérielle. - Que préconisez-vous aux conducteurs pour réduire leur stress ? Il n'y a pas mieux qu'un bon sommeil réparateur pour commencer sa journée dans de meilleures dispositions mentales et physiologiques. Apprendre à mieux appréhender les situations stressantes pour mieux les maîtriser et enfin apprendre à utiliser les routes secondaires pour éviter tout embouteillage prévisible.