Faire du sport est bon pour la santé. On le savait. Mais désormais, la course à pied devient un mode de sociabilité : course à thème entre amis, sortie à travers le pays pour participer à un semi-marathon. En Algérie aussi, on est devenus accros au running. Demain, 5000 femmes traverseront le centre-ville d'Alger en courant. La semaine prochaine, ils seront plusieurs milliers à courir, se jeter dans la boue, ramper sous les barbelés en participant au Run Warrior d'Alger, une course d'une dizaine de kilomètres avec des obstacles. Les adeptes de la course à pied, que l'on appelle aujourd'hui «running», sont de plus en plus nombreux, et le nombre de compétitions où ces sportifs peuvent se mesurer au chronomètre augmente aussi. En mai, pas un week-end sans qu'une course ne soit organisée dans le pays. Mais ces sportifs ne sont pas inscrits dans un club, n'ont pas de licence. «En 2013, nous avons commencé à courir à 4, aujourd'hui il y a en moyenne 100 personnes qui se retrouvent grâce à notre groupe sur Facebook», raconte Rachid Ghazouli, fondateur du site Running360. Ce sportif de 31 ans fédère aujourd'hui une communauté virtuelle de plus de 30 000 personnes. «Des groupes de course à pied se créent sur les réseaux sociaux. Les participants sont de plus en plus jeunes, ils ont entre 18 et 25 ans, et ils cherchent de plus en plus à s'inscrire à des courses de compétition», constate-t-il. Sofiane Amoun, 23 ans, termine un master d'éducation physique et sportive à Oran. Proche de Rachid, il lance la version oranaise de Running360 en 2014. Chaque vendredi matin, dans la forêt du Canastel, ils sont désormais plus de 80 à se retrouver pour un footing suivi d'exercices de renforcement musculaire. Civisme «Pour moi, animer ces séances gratuites, c'est faire preuve de civisme : inciter des Algériens à faire du sport, les sortir de la routine, les pousser à faire autre chose que d'aller au café», explique Sofiane Amoun. Si les animateurs de ces groupes sont souvent des passionnés de sport, et si certains ont un passé de champion d'athlétisme, les participants, eux, cherchent avant tout un loisir, facile d'accès. «Pour courir, il ne faut pas de dossier, pas de capacité physique particulière, il suffit d'avoir des baskets et un survêtement. Cette organisation en groupe permet de tisser des liens. Résultat, la course permet de s'occuper le week-end, de rencontrer des amis et de se sentir bien», résume Rachid Ghazouli. «J'ai vu des photos de jeunes qui couraient ensemble en forêt. C'est quelque chose que j'avais très envie de faire, mais pas seule. J'ai rejoint un groupe, je me suis faite une bande de copains, je me sens plus en forme et j'ai perdu un peu de poids», sourit Lydia, 29 ans. L'amélioration du contexte sécuritaire, le manque d'événement culturel et le développement des réseaux sociaux ont aidé au succès de la course à pied ces trois dernières années, selon les différents animateurs de groupes. «Notre présence sur les réseaux sociaux est très forte. A force de recevoir des sollicitations, de voir des photos, les gens font le premier pas. Ils se rendent compte que c'est une sortie entre copains, qu'ils sont capables de faire du sport. Ils s'améliorent et très vite cherchent à atteindre des objectifs : un 10 km, un semi-marathon...», analyse Amokrane Mariche, 34 ans, responsable marketing de la région Afrique du Nord pour Nike. Cette année, le Running club d'Alger a loué un mini-bus pour emmener un groupe de coureurs du vendredi assister à l'ultra-marathon de Biskra. Personne n'a participé à la course de 100 km, mais le groupe d'amis a passé un week-end à découvrir la région, a rencontré des coureurs, et a quand même couru 7 km : «Le but, c'était d'être inspiré», résume un participant. Dépassement Et pour atteindre ces objectifs, rien de mieux que de se confronter au chronomètre. L'une des premières courses ludiques a été organisée par Nike en 2013 : We run Algiers a réuni 5000 coureurs sur une course de 6 km dans le centre de la capitale. Une star pour donner pour le top départ, une course connectée aux réseaux sociaux, et un très grand succès. «Avant, toutes les courses étaient organisées par les Ligue d'athlétisme. Nous avons dû expliquer longuement aux investisseurs privés et aux organismes publics que nous voulions organiser une course ludique», se souvient Amokrane Mariche. «Les courses à pied dans les villes existent dans le monde entier, ajoute Mohamed Atique, 46 ans, organisateur de le première édition de l'Algéroise, qui dit avoir voulu proposer un moment de convivialité aux Algéroises. Ma femme participe à La Parisienne chaque année et s'étonnait qu'une telle course n'existe pas à Alger». Amokrane Mariche renchérit : «L'Algérien est connecté avec le reste du monde, il y a un boom international du running, on ne peut pas y échapper». Amusement Comme dans le monde entier, les courses à thème font aussi leur apparition. En 2015, Halim Lekir, 24 ans à l'époque, lance sa 4e start-up : «Nous étions un groupe d'amis sportifs, nous avions envie d'aventure, mais il fallait qu'on crée nous-mêmes nos activités. Alors on a décidé d'en faire une entreprise». Quelques mois plus tard, il organise le Run Warrior, dont la deuxième édition se tient les 13 et 14 mai à Alger. La première édition est programmée grâce aux réseaux sociaux : «Quand on a eu l'idée de la course, on l'a soumise à nos contacts sur Facebook. ça nous a servi d'étude de marché, parce qu'en une semaine, plus de 2000 personnes nous avait répondu en nous disant qu'elles étaient même prêtes à payer pour ce genre de course, raconte Halim Lekir. Il y a une vraie demande pour les activités qui mêlent le défi, la compétition avec le côté ludique». L'année dernière, plusieurs entreprises ont même inscrit leurs employés au Run Warrior pour faire du «team building». La plupart des participants avaient entre 25 et 40 ans, 60% étaient des hommes et les coureurs sont venus de 17 wilayas, expliquent les organisateurs. Halim et ses collègues ont désormais de nouveaux objectifs : organiser un «Run zombie» et une activité de paintball qui recrée le décor du jeu en ligne «Counter strike», un jeu qui compte plus de 200 000 joueurs rien qu'à Alger.