Deux attaques surprises, opérées avant-hier contre les premières lignes de défense de Mistrata, ont permis aux forces de Daech d'ouvrir des brèches et de s'emparer des villages d'Abougrine, Ouichka, Bouirat, Zemzem et Seddada à 100 kilomètres à l'est et au sud-est de Mistrata. Une trentaine de voitures militaires sont venues de Syrte et ont occupé ces villages, obligeant les brigades locales affiliées au Bouclier du Centre, relevant de Mistrata, de se replier vers les deuxièmes lignes de défense à 60 km de la ville. Les autorités de Mistrata ont fait état de 7 morts et 105 blessés parmi leurs forces. Un couvre-feu nocturne (de minuit à 6h) a été imposé et un appel à la mobilisation générale a été lancé. Surprise Les informations en provenance de Syrte parlaient pourtant ces derniers jours d'un désordre s'installant dans la ville, après l'ordre donné par le général Haftar au régiment de libération de Syrte d'envahir cette ville. D'autres informations signalaient des mouvements des troupes de Mistrata qui se seraient installées la semaine dernière à Barak Echataâ et Al Djofra, dans le cadre des préparatifs pour la libération de Syrte. Mais, «la facilité avec laquelle les unités de Daech sont passées démontre qu'il n'y avait aucune réelle mobilisation», relève le colonel Ahmed Mesmari, porte-parole du régiment de libération de Syrte, relevant du commandement du général Khalifa Haftar. Le colonel Mesmari regrette le nombre élevé de victimes, morts et blessés, enregistré lors des deux attaques, et déplore que «la manœuvre politique est en train de prendre la place d'une réelle mobilisation pour libérer Syrte». Il rappelle que «l'idée de ce régiment de libération de Syrte est venue des militaires de la ville, ceux-là mêmes qui ont fui après la mainmise de Daech durant le printemps 2015. Ces soldats sont venus rencontrer le général Haftar, il y a six mois, et lui ont demandé de chapeauter ces manœuvres de mise en place d'une forte armée pour combattre les terroristes et les chasser de Syrte». Le colonel Mesmari souligne que «ce régiment est formé de militaires de carrière de toutes les régions libyennes. Il y a des officiers et des soldats du Djebel Gharbi, Tripoli, Sabratha, Sabha, Kofra, Benghazi, Marj, Toubrouk, Ajdabia...» Il affirme que «ce régiment est ouvert à tous les militaires de carrière, rompus à la discipline de l'armée et voulant prendre part à cette guerre de libération nationale». Condamnation Un vaste mouvement d'indignation a suivi les deux attaques-suicides, opérées par Daech à Abougrin et aux villages avoisinants. Le Conseil de la présidence du gouvernement a publié un communiqué condamnant cet acte. L'envoyé spécial de l'ONU, le Parlement de Tobrouk, le gouvernement d'El Baydha de Abdallah Al Thani et bien d'autres institutions l'ont également condamné. «Mais, si la condamnation est légitime, je perçois un ton de surprise chez ces organismes, comme s'ils auraient oublié qu'ils sont en guerre contre Daech», relève le politologue Ezzeddine Aguil. «Tout le monde, le président du gouvernement, Fayez El Sarraj, et celui du Parlement, Salah Aguila, en tête, parlent de guerre contre Daech. Est-ce qu'ils s'attendent à ce que les terroristes leur offrent des fleurs ?» s'interroge le politologue. Ces interrogations sont partagées par le juge Jamel Bennour, ex-président du conseil local de Benghazi en 2011-2012, qui ajoute : «Fayez El Sarraj n'a fait aucun geste pour rassembler les Libyens autour de lui.» Le juge constate avec amertume : «El Sarraj vit sous la protection des milices de Tripoli, comme ce fut le cas du gouvernement de Khalifa Ghouil.» Pour sa part, Mahmoud Jibril, président de l'Alliance des forces nationales, déclare : «El Sarraj et Kobler ne sont pas neutres, ils veulent imposer aux Libyens les personnages de l'islam politique rejetés dans trois élections successives.» Jibril et Bennour insistent sur le fait que «l'islam politique ne veut pas combattre Daech». Le bout du tunnel n'est pas pour demain en Libye.