A partir de juin prochain, des diplômés dans cette filière pourront mettre à l'épreuve du terrain leur formation en attendant d'ouvrir une autre graduation, celle du doctorat. Tout cela est devenu possible grâce au laboratoire de psychologie des usagers de la route (PUR), drivé par son directeur Mohamed El Hadi Rahal Gherbi qui nous en parle : «Le laboratoire de la psychologie des usagers de la route qui relève de la faculté des sciences humaines et sociales a été mis en place en 2009. Il y avait urgence d'apporter des solutions scientifiques aux questions inhérentes au phénomène des accidents de la route qui devient alarmant compte tenu des bilans annuels.» Les chercheurs, répartis sur cinq équipes, sont on ne peut plus motivés dans leur mission. Ils s'attellent à appliquer leur feuille de route axée sur quatre questions majeures. Il s'agit de déterminer «les facteurs de la propagation des accidents de la circulation en Algérie, l'influence des facteurs psychologiques dans l'aggravation de ce phénomène, les déterminants juridiques et organisationnels qui contribuent à leur propagation, et en enfin comment les facteurs culturels et sociaux jouent-ils un rôle dans l'accroissement des accidents de la circulation et quels sont les moyens de prévention et de prise en charge des victimes», expliquera le Dr Salhi Hanifa du même laboratoire. L'université Hadj Lakhdar Batna 1 dispose de 34 laboratoires de technologie et 34 autres pour les sciences humaines, dont celui de la psychologie des usagers de la route. Ce dernier, qui existe depuis seulement sept ans, est le 1er laboratoire du genre sur le territoire national, d'où l'importance de la mission qui lui est dévolue. Mais il se trouve qu'il est en mal de visibilité, selon son premier responsable. D'où l'organisation de journées d'études dont la première en 2013, suivie d'une deuxième en 2015 et d'une troisième en avril 2016. Pour aboutir à des résultats probants, le laboratoire a recours à d'autres spécialistes en sociologie, droit, criminologie, médecine et biomécanique. «Les équipes de recherche composées d'enseignants et de doctorants, outre leurs travaux, assurent la formation destinée essentiellement aux élèves des corps constitués», selon le Dr Salhi qui rappellera que les travaux de recherche portent sur les attitudes et comportements de l'automobiliste, attitudes et comportements du piéton, impact et politique de communication, impact des sanctions…, entre autres. UN PHENOMÈNE DANS TOUTES SES DIMENSIONS La prévention dans le secteur de l'éducation est aussi le credo de ce laboratoire qui entreprend différentes campagnes destinées aux écoliers «Même les campagnes de sensibilisation telles qu'elles sont menées actuellement n'auront jamais l'effet escompté faute de méthodologie», nous précisera El Hadi Rahal. Et d'ajouter : «Il faut utiliser des critères scientifiques pour une meilleure efficience des actions ciblées.» A cet effet, le laboratoire en question a introduit des propositions auprès de la ministre de l'Education, Nouria Benghebrit, pour intégrer «dans chaque cours 10 minutes sur la culture routière» dans les trois paliers. Pour l'heure, il n'y a pas eu de réponse de la part de la tutelle. Mais cet universitaire et son équipe ne baissent pas les bras malgré la réticence manifeste affichée à l'égard de leurs recherches : «L'université est appelée à s'impliquer dans la société, son évolution et son environnement par le biais de la recherche qui aborde les choses d'une manière cartésienne», conclut-il. Dans cette stratégie qui se met doucement en place, le laboratoire ambitionne «le développement des moyens de transport, la participation effective aux programmes de la politique préventive de la sécurité routière, l'action pour la sécurité routière, la promotion et le développement des sciences humaines et sociales, et enfin le développement local et le bien-être de la population». Et on insistera sur la culture et l'éducation routières en amont. Dans cette approche psychologique des usagers de la route, il n'est pas exclusivement question du conducteur. Le piéton y est aussi un élément. Qu'il soit enfant ou adulte, il ignore parfois la signification des signalisations et des précautions à prendre avant de traverser la route. C'est le résultat des travaux conduits par le Dr Salhi Hanifa. Et de mettre le doigt sur le problème de la formation assurée par «la qualité de la formation du conducteur qui manque de l'essentiel. Il n'est pas pris en compte les capacités cognitives, psychologiques, culturelles et sociales». Selon les bilans officiels, on recense annuellement en Algérie plus de 4000 morts et plus de 20 000 blessés dans des accidents de la circulation. Ce qui, statistiquement, classe malheureusement le pays parmi les premiers en termes d'accidents et de décès. Ramener à zéro le nombre des accidents mortels relèverait du miracle. Les réduire est fort possible avec l'inclusion de moyens et d'une approche scientifique et non uniquement avec des batteries de lois et de mesures répressives. Le facteur humain étant le premier responsable dans 90% des accidents de la route, la mise en place de mécanismes adéquats est un objectif. «Comme l'usager de la route, le concepteur des véhicules, l'aménageur des circuits est un être humain et automatiquement il est responsable de tout ce système complexe. La complexité de la situation routière avec l'évolution actuelle de l'urbanisation de nos villes ‘‘engendre'' des données nouvelles à prendre en considération dans la formation des conducteurs et des piétons. Préparer le citoyen à être éveillé, attentionné, prévenant dans son comportement routier, conscient de sa responsabilité envers soi et envers l'autre (concitoyen) est une condition sine qua non pour diminuer le nombre des accidents qui suivent malheureusement une courbe ascendante», indiquera El Hadi Rahal. Les premiers diplômés de cette spécialité auront à assumer une lourde tâche. Ils seront les pionniers dans un secteur connu pour ses hécatombes. «Il faut d'abord savoir que cette formation est venue comme réponse au constat dramatique sur nos routes…la gravité de la situation nous a poussés à nous ‘‘aventurer'' dans cette formation de «psychologie de la circulation», niveau Master. Nos objectifs sont clairs : analyse scientifique des comportements des usagers de la route, qualité de formation pour les conducteurs, sensibilisation, éducation routière, biomécanique (complémentarité homme/véhicule), intelligence territoriale, prise en charge des victimes et de leurs familles et proches… bref, une panoplie de modules qui traitent la question dans toutes ses dimensions», conclut notre vis-à-vis.