C'est un déluge d'informations, aussi graves les unes que les autres, révélatrices de la faillite nationale que divulguent les Panama Papers et des sources algériennes. L'opinion publique a été bien servie et sait désormais que la corruption, ici, n'est pas le fait de seconds couteaux mais de responsables politiques très importants qui parlaient de stratégie, de solutions pour sortir le pays du sous-développement et philosophaient sur la morale et l'intégrité. Après le scandale Panama Papers qui a mis au jour les liens des réseaux de l'offshore avec l'affaire Sonatrach 2 (en cours de procès au tribunal de Milan, en Italie) où sont cités Farid Bedjaoui, Omar Habour, Reda Hemch et, dernièrement, Najat Arafat, l'épouse de l'ancien ministre de l'Energie, des révélations sur le contenu des comptes de Chakib Khelil par le site algériepatriotique (qui a promis d'autres scoops dans ses prochaines éditions) et des informations divulguées avant-hier par Maghreb Emergent (qui a aussi eu accès à des documents) prouvent que Najat Arafat a un lien avec l'affaire Saipem-Sonatrach. Selon la même source, elle détenait un sous-compte sur le principal compte d'affaires de la filiale Saipem : «Il s'agit d'un compte à la Bank Audi Saradar, à Beyrouth, sur lequel la Pearl Partners de Farid Bedjaoui a redistribué 34,3 millions de dollars de commissions Saipem.» Maghreb Emergent indique que le «titulaire principal de ce compte» n'est autre que «Omar Habour, l'ami de 50 ans de Chakib Khelil, son ‘hologramme' bancaire et gestionnaire de patrimoine». Selon ce journal, «le nom de Najat Khelil née Arafat, qui figure comme détenant ce sous-compte au Liban, apparaît dans le rapport d'une commission rogatoire internationale en 2011». Et c'est sur cette base, conclut-il, qu'a été fondée «l'inculpation de Chakib Khelil par le tribunal de Sidi M'hamed puis l'émission d'un mandat d'arrêt international contre lui, son épouse et ses deux fils, le 12 août 2013 par le procureur général près le tribunal d'Alger, Belkacem Zeghmati». Cette information «apporte la preuve tangible dans le scandale de Saipem que les Khelil se tenaient au bout de la chaîne du flux de paiements transitant par Farid Bedjaoui, puis principalement par Omar Habour», écrit le journal. Belkacem Zeghmati, traité de «menteur» par Chakib Khelil sur une chaîne de télévision privée, n'est certainement pas un fou pour annoncer à la face du monde, lors d'une conférence de presse organisée à Alger, que la justice algérienne avait décidé de lancer un mandat d'arrêt international contre l'ancien ministre, son épouse et ses deux enfants. Il ne l'aurait jamais fait s'il n'avait pas eu comme base un dossier contenant des preuves et des informations documentées, récoltées entre autres par les commissions rogatoires. Et il semblerait même que ce sont également les «bonnes feuilles» des rapports d'enquête de l'ex-Direction du renseignement et de la sécurité (DRS) qui auraient fuité pour consolider les informations des Panama Papers et révélé comment les comptes de Chakib Khelil ont été alimentés. Même si elles n'ont suscité pour l'instant aucune réaction officielle, encore moins l'intérêt de la justice, les graves révélations auxquelles l'opinion publique algérienne a eu droit ces derniers temps montrent à quel point la grande criminalité a prospéré dans les rouages de l'Etat. Contacté hier, Maghreb Emergent, qui affirme avoir recoupé les informations concernant Najat Arafat et son compte au Liban, soutient être en possession d'informations importantes, avec preuves à l'appui, sur la responsabilité directe de l'ancien ministre de l'Energie dans l'octroi de marchés. Dans un contexte de vacance de pouvoir due à la maladie du président Abdelaziz Bouteflika, les révélations livrées sur la corruption et l'implication de Chakib Khelil — en pleine campagne de promotion politique à travers les zaouïas — sans citer les scandales qui ont émaillé de grands projets, il est à craindre une impasse politique générée par un régime qui s'est maintenu par la force et veut encore rester quel qu'en soit le prix.