C'est l'artiste multidisciplinaire Aziz Zerari qui est le signataire d'une collection aussi riche que l'histoire de Annaba. Ils étaient là, artistes, hommes de culture et notables de la ville, à entourer l'artiste lors de l'inauguration de cette galerie d'art. En guise de ruban, c'est un fil de fetla d'or qui a été coupé par Hamdi Benani, le chanteur de malouf qui n'est plus à présenter. Le long du couloir peint en blanc, toute une histoire de couleurs et de lumières s'offre aux visiteurs. L'on peut constater, avec un immense plaisir, les différentes formes de broderie à la fetla dont les origines se perdent dans la nuit du temps, dans les limbes de l'histoire. «Cet art judéo-arabe de broderie au fil d'or sur velours de Gênes, que les Génois troquaient contre le corail de la baie de Bouna, au XVIe siècle, a traversé le temps sans rien perdre de son éclat ni de sa noblesse. Si la fetla est utilisée un peu partout dans le nord de l'Algérie, c'est à Annaba que se trouve son berceau. Mystérieuse par ses entrelacs, secrète par l'infinité de ses motifs, elle reste le témoin de la noce, le symbole de la fête. Avec moi, elle a voyagé des rives du Golfe aux neiges du Canada, suscitant toujours admiration et respect. Elle se dresse aujourd'hui comme un rayon de soleil dans la culture ancestrale algérienne», estime cet artiste. Même les murs de ce lieu riche en histoire ont été garnis de miroirs «brodés» aux coins. Ils reflètent l'autre soi, l'autre passé royal façonné par les mains d'un magicien bien de chez nous. Sur un autre mur, des calligraphies aux motifs aussi élégants que précieux ont été accrochées. «Quant l'entrelac de la fetla se conjugue à celui de la calligraphie, l'élégance de la lettre arabe prend alors une dimension particulière. L'enluminure et le galbe se disputent l'éclat et la volupté, l'élan s'évade vers l'infini, la noblesse parle», s'enorgueillit Aziz Zerari. Faut-il relever que cet évènement culturel, rare de nos jours, intervient au moment où l'Algérie célèbre le Mois du patrimoine historique. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cet artiste aux mille et un dons n'a pas été convié à y participer. Il n'a jamais été encouragé, encore moins accompagné dans ses expositions à l'étranger où l'on reconnu la grandeur de l'artiste. N'est-ce pas là une preuve de l'inculture des autorités algériennes, du manque de considération à l'encontre d'un styliste, fleuron de l'artisanat bônois et algérien, ou tout simplement de la négation des us de nos ancêtres ? Heureusement que l'art a ses hommes. Et Aziz Zerari en est un, sans conteste. QUI EST ZERARI AZIZ ? Né le 31 décembre 1951 à Annaba dans une famille de tradition issue de la zaouïa du cheikh Sidi Mansour Ibn Talha, Aziz Zerari est un styliste spécialisé dans l'artisanat bônois et algérien. L'art de la fetla n'a plus de secret pour lui. Dix-sept années de labeur, de recherches et de persévérance lui permettent de décrypter le mystère de l'entrelac, l'enchevêtrement et le trompe-l'œil de la fetla. Après des études postuniversitaires en littérature espagnole, il enseigne à la faculté des lettres d'Alger puis poursuit ses recherches de doctorat sur le «zejel» en Espagne musulmane entre l'université libre de Bruxelles et l'université autonome de Madrid. Sans hésitation aucune, il bifurque vers la haute couture, une passion qui l'a toujours habité. pour le styliste, Cette passion dévorante pousse le styliste à s'inscrire à l'école des arts et métiers de Bruxelles, d'où il ressortira diplômé en haute couture pour dames. De retour en Algérie, il s'intéresse aux mystères de la fetla ancestrale dont il maîtrise les secrets et techniques après de longues années d'investigations. Ainsi, Aziz Zerari fait convoler en justes noces les lettres et les arts. Il transpose la fetla du vêtement traditionnel sur les tableaux qu'il expose d'Alger à Montréal, de Dubaï à Québec, de Constantine à Abu Dhabi, d'Oran à Toronto…