Venus de plusieurs pays, 120 oulémas se sont réunis à Mostaganem pour créer l'Union mondiale soufie. L'objectif de cette rencontre est de lutter contre le radicalisme dans le monde musulman. Mais les moyens manquent. «Nous allons anéantir les salafistes !» A la sortie d'une matinée de conférences, le président de l'Union des zaouïas algériennes, Mahmoud Omar Chaalal, est enthousiaste. Après des années de consultations, une Union mondiale soufie devrait voir le jour, aujourd'hui à Mostaganem, où sont réunis plus de 120 oulémas soufis venus du monde entier. L'objectif est d'«inscrire la nation musulmane dans une référence unique» pour «combattre le radicalisme et l'ignorance» et éduquer «ceux qui suivent les vagues de l'appel au djihad sans savoir ni connaissance», a déclaré le président de l'Union des zaouïas à l'ouverture du congrès, mercredi. «Les zaouïas ont oublié leur rôle fondamental d'éducation à la paix et au respect de l'autre», déplore Ouma Saad Touré, ancien professeur d'arabe au Mali et membre de la confrérie Tidjania. Philosophie Face à la montée du terrorisme et de l'idéologie wahhabite, les représentants du soufisme estiment qu'on ne les entend plus. «Le prosélytisme, l'esprit conquérant ne sont pas par essence des modes de fonctionnement des communautés soufies, contrairement à ceux à qui nous voulons nous opposer, reconnaît Zaim Khenchelaoui, anthropologue. Or aujourd'hui, l'islam est devenu une idéologie. Ce n'est plus une religion dans le sens divin du terme. On ne parle plus de Dieu, on parle en Son Nom. Nous devons réconcilier les fidèles avec la philosophie.» «Il nous faut nous structurer, nous organiser pour diffuser nos valeurs et éduquer. Cette union sera à l'image de l'Organisation mondiale de la santé, mais pour le soufisme», explique Mahmoud Omar Chaalal. Dans les couloirs d'un complexe hôtelier du bord de mer, des représentants iraniens et irakiens du soufisme, d'obédience chiite, échangent avec des oulémas maghrébins. «Vous voyez, lance un participant, le soufisme, c'est aussi un moyen de réconcilier chiites et sunnites, de créer du dialogue intrareligieux !» Porte-parole Dans la continuité des déclarations de Mohamed Aïssa ces dernières semaines, Alger se positionne donc comme le porte-parole d'un islam soufi qui prône la paix. «Les tariqas soufies en Algérie, qui puisent depuis des siècles de la référence Mohamedienne et résistent en portant la bannière du savoir et du djihad, ont marqué l'histoire de l'Algérie avec de célèbres héros dont l'Emir Abdelkader, cheikh Bouâmama, cheikh El Haddad, El Mokrani et Fathma n'Soumer», a dit Lakhmissi Bezzaz, inspecteur général au ministère des Affaires religieuses et des Wakfs, représentant du ministre. Pourtant, les spécialistes estiment que ce discours officiel a besoin d'être renforcé par des actes concrets. «Pourquoi les figures du soufisme ne sont-elles pas inclues dans les programmes de l'éducation nationale ? Pourquoi n'étudie-t-on pas les poèmes de l'Emir Abdelkader à l'école», s'interroge Zaim Khenchelaoui. Les programmes scolaires sont l'un des axes sur lesquels les oulémas réunis à Mostaganem voudraient avoir un impact. Laroussi El Mizouri, ancien ministre tunisien des Affaires religieuses, a insisté sur la nécessité des matières relatives à la référence Mohamedienne dans les programmes scolaires, les programmes culturels et les médias. Financement Si cette union mondiale est indispensable selon les participants, reste à savoir quel sera son impact réel. Le financement est un premier frein. «Nous n'avons pas l'argent de l'Arabie Saoudite. Nous n'avons aucun média, alors qu'elle en finance des dizaines pour transmettre l'idéologie wahhabite», regrette un participant. «Les zaouïas seules ne peuvent rien faire, ajoute Ouma Saad Touré. Au Mali, malgré la présence de confréries, les groupes terroristes ont recruté parce que l'argent a fait son travail.» Un travail de dialogue est également nécessaire avec les pays occidentaux. «La France ne peut pas décorer l'Arabie Saoudite, dont l'argent finance le salafisme et le wahhabisme, et prétendre lutter contre le terrorisme», s'emporte un participant.