Face à l'entêtement des affidés du pouvoir à imposer leur diktat, les responsables d'El Khabar se montrent confiants. Pour eux, si le politique ne se mêle pas de la justice, la transaction sera validée. Jour de vérité. Tous les regards seront braqués, ce matin, sur le tribunal administratif de Bir Mourad Raïs, à Alger, où se jouera un autre épisode du conflit éternel entre la presse indépendante et le pouvoir en Algérie. Reporté à deux reprises, le traitement de l'affaire de la cession des actions du groupe de presse El Khabar à la société NessProd, une filiale du groupe Cevital de l'homme d'affaires Issad Rebrab, devrait se faire aujourd'hui. Le juge est appelé à statuer sur la légalité de cette transaction que le ministre de la Communication, Hamid Grine, auteur de cette plainte en référé, juge «illégale» en invoquant des articles de la loi sur l'information de janvier 2012. Quel sera le verdict ? S'alignera-t-il sur la position du ministère de la Communication ? Se limitera-t-il à la stricte application de la loi ? Wait and see. En tout cas, l'affaire dite au début «commerciale» a pris d'autres proportions : les discours sur le sujet changent au gré des jours et les tons deviennent menaçants, surtout à l'égard du journal et du nouvel actionnaire. Côté officiel (ministère) et côté officieux (affidés du pouvoir) on a déjà pris cause et fait contre le rachat des actions du groupe El Khabar. L'arrière-pensée politique lisible, facile à deviner dès l'annonce de la plainte de Hamid Grine, est assumée officiellement par des porte-parole officieux du pouvoir. Après le secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, qui a été le premier à s'attaquer à cette transaction en évoquant «une concentration des médias», ce fut au tour du secrétaire général du FLN, Amar Saadani, de prendre la défense du ministre de la Communication en s'en prenant à la presse, dont El Watan et El Khabar. Le patron de l'ex-parti unique adopte également un langage indigne d'un homme politique pour menacer le PDG du groupe Cevital, Issad Rebrab, en le sommant de «faire le choix entre la politique et les affaires». «Sinon vous allez perdre votre argent», lance l'inénarrable Amar Saadani à l'adresse de l'homme d'affaires. Ce n'est donc pas une simple déclaration mais un chantage, une pratique d'un autre âge. Et cela confirme le caractère d'abord politique de cette affaire qui fera tomber les masques pour dévoiler au grand jour le visage autoritaire d'une caste qui veut se maintenir à tout prix. Des emplois et la liberté de la presse menacés Face à l'entêtement des affidés du pouvoir à imposer leur diktat, les responsables d'El Khabar se montrent confiants. Pour eux, si le politique ne se mêle pas de la justice, la transaction sera validée. De nombreux juristes, y compris des proches de la présidence de la République, attestent de la légalité de l'accord commercial entre les entreprises El Khabar et NessProd. Selon eux, même le ministère de la Communication n'avait légalement aucun droit de porter plainte contre la transaction. En tout cas, depuis le début de cette affaire, l'élan de solidarité avec le journal El Khabar et son personnel ne cesse de prendre de l'ampleur. De nombreux journalistes, intellectuels et citoyens témoignent leur solidarité avec le quotidien et dénoncent des pressions politiques contre la liberté de la presse. Ils appellent aussi à sauver les centaines d'emplois qui risquent d'être compromis par une éventuelle fermeture du journal et de la chaîne de télévision KBC qui semble au centre de toute cette cabale. La déclaration du Premier ministre, avant-hier, relative à la fermeture des chaînes de télévision non agréées — aucune chaîne ne dispose d'agrément — donne un nouvel élément qui confirme que les tenants du pouvoir craignent beaucoup plus la réussite de KBC que la prolifération de chaînes offshore. L'enjeu, c'est les prochaines élections que le pouvoir veut jouer encore à huis clos avec des canaux médiatiques fermés à toute voix opposante…