Le ministère de la Communication a introduit une action en référé auprès du tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, pour faire annuler la vente du journal El Khabar. Elle sera examinée le 2 mai prochain. Le groupe Cevital et la direction d'El Khabar récusent les arguments du ministère et affirment dans deux communiqués séparés que la transaction est conforme à la loi et a même été enregistrée au Boal. Pour cela, le ministère de la Communication s'est appuyé sur l'article 25 du code de l'information de 2012. «Une même personne morale de droit algérien ne peut posséder, contrôler ou diriger qu'une seule publication périodique d'information générale de même périodicité éditée en Algérie», indique la loi. Le représentant du gouvernement s'est appuyé sur le fait que le patron de Cevital est déjà propriétaire du journal francophone Liberté. La direction du quotidien El Khabar a réagi en précisant que la transaction n'a pas eu lieu avec la personne de Issad Rebrab mais plutôt avec la société Nesprod, qui est autre une filiale du groupe Cevital. Plus que cela, le journal précise que la Société algérienne d'édition et de communication (SAEC), qui édite le quotidien Liberté, dont Rebrab est un des actionnaires, «n'a aucun lien avec le groupe Cevital». Donc, la société «Nesprod, devenue actionnaire avec 6 autre membres de la société El Khabar, ne gère, ni ne contrôle aucune autre publication». El Khabar dénonce «les pressions» qu'exercent les autorités sur leur journal. Un avis que partage Hamid Goumrassa, journaliste au quotidien El Khabar : «Il est évident que la décision de Grine est dictée d'en haut.» Et d'estimer que «Hamid Grine n'a aucune moralité puisqu'il a écrit lui-même dans le journal Liberté» que possède déjà Rebrab. «Grine exerce du chantage contre El Khabar depuis qu'il est chargé de communication chez Djezzy», poursuit-il. Les responsables du journal arabophone s'interrogent, par contre, sur la politique des «deux poids deux mesures» des autorités. Le document rappelle d'ailleurs que le pouvoir est resté «muet» face à d'autres monopoles que détiennent des «hommes d'affaires» et des «hommes politiques». De son côté, le groupe Cevital estime, dans un communiqué, que la transaction s'est faite dans la légalité. «Nesprod a suivi et respecté la réglementation algérienne en vigueur sur les entreprises des médias. Nesprod a donc agi en toute légalité pour acquérir une partie des actions de la SPA El Khabar», écrit le groupe Cevital. «Le groupe Cevital est serein quant aux conditions et la légalité dans lesquelles la cession d'actions par une partie des actionnaires de la SPA El Khabar a été réalisée au profit de Nesprod, une filiale de Cevital SPA», ajoute la même source. Du côté du ministère de la Communication, on préfère ne pas commenter la décision. C'est en tous cas l'attitude affichée par Madjid Bekhouche, chargé de communication. Le ministre, Hamid Grine, n'a pas non plus jugé utile de répondre à notre appel. Cette décision du gouvernement intervient après les déclarations du ministre de la Communication qui a affirmé, il y a quelques jours, que son département «allait relire la loi pour voir si ce rachat est légal ou pas». Une déclaration qui s'ajoute à celle dans laquelle le directeur du cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, avait dénoncé «le monopole» que veulent «exercer» des «lobbies d'affaires» sur les médias. Pourtant, dans les réseaux sociaux, on rappelle que d'autres hommes d'affaires, à l'image de Ali Haddad, et des hommes politiques détiennent plusieurs publications en même temps sans que cela ne pose problème. C'est le cas de Abdelhamid Si Affif, par exemple. Des faits qui poussent à poser la question de savoir si ce n'est pas une nouvelle fois Issad Rebrab qui est ciblé.