C'est le 20 mai dernier que le village Tizi Maghlaz, une localité perchée sur les plus hautes cimes de la Soummam, culminant à 1200 mètres d'altitude, dans la commune d'Ouzellaguen, a organisé au plus grand bonheur des villageois une «louziaâ», appelée également «timechret». Trois bœufs sont sacrifiés dans une ambiance familiale et chaleureuse, qui contraste largement avec une température glaciale, d'ailleurs peu étrangère en ces hauts lieux bien que nous soyons en mai. Ce rite séculaire propre à la Kabylie se caractérise par un esprit fondamentalement humain, où le riche et le pauvre sont mis sur le même pied d'égalité. Il reste depuis les temps anciens un événement fédérateur, qui met à contribution tous les villageois, où chacun est chargé d'une mission bien précise, depuis la collecte des cotisations, l'achat des bœufs et leur immolation, jusqu'au partage des parts et le nettoyage des lieux. L'organisation de cette opération peut avoir lieu pour plusieurs raisons, comme pour intervenir après les chutes de pluie et des neiges qui suivent des périodes de sécheresse, après les labours et les moissons, etc. Cette fois-ci Tizi Maghlaz l'a organisée pour fêter certains projets parachevés sur son sol, tels que la route goudronnée, le gîte du cimetière et d'autres projets en chantier, comme la mosquée et la fontaine du village. Cet événement fut l'occasion pour les membres de l'association sociale du même hameau de faire rencontrer plusieurs personnes, ainsi que plusieurs générations de femmes et d'hommes. L'occasion aussi de les sensibiliser sur la nécessité de s'intéresser aux affaires du village et d'exhorter les présents à participer activement à sa reconstruction et à pérenniser ses principes de solidarité, de sacrifice, et de la préservation de la propreté et de la nature pour faire sortir Tizi de l'oubli. C'est dans cette optique que Oumedjkane Youcef, président de l'association du village, s'est adressé en ces termes à l'assistance : «Aujourd'hui, plus de 170 familles sont concernées par Louziaâ, il faut savoir que la signification de celle-ci n'est pas seulement une question de viande, mais une question d'amour et d'union, car il ne faut pas oublier que notre village porte encore des stigmates de la guerre de libération». L'orateur a rappelé que «la plupart des maisons sauvagement bombardées ne sont pas encore reconstruites, les débris d'obus sont encore visibles et nos enfants jouent avec. La grotte qui abritait Amirouche et les autres moudjahidine, avant quelle ne soit dénoncée puis gazée par l'armée coloniale, témoigne encore aujourd'hui de toutes ses parois souillées par le napalm». «Dès lors, il est urgent d'entendre l'appel du village qui a besoin de tous ses enfants, chacun avec ses compétences et sa contribution, nous parviendrons à faire renaître de ses cendres cette terre de sacrifices», a-t-il ajouté. A la fin de cette manifestation, qui a nécessité plusieurs jours de préparation et la mobilisation d'un grand nombre de personnes, se lit sur les visages la joie, mais aussi la détermination de garantir la continuité de ce genre de pratique identitaire et festive.