Les mauvaises notes s'enchaînent pour l'Algérie. Après l'évaluation du Fonds monétaire international (FMI) qui a fait ressortir récemment la vulnérabilité de l'économie nationale face au choc pétrolier et mis en garde contre des difficultés économiques sévères en cas d'absence de réformes structurelles, c'était au tour, la semaine dernière, de la Banque africaine de développement (BAD) de dresser un diagnostic loin d'être rassurant sur l'économie algérienne. Dans un rapport sur les perspectives économiques en Afrique pour 2016, le quinzième du genre rendu public à l'occasion des assemblées annuelles de la BAD tenues du 23 au 27 mai à Lusaka (Zambie), la BAD, tout comme le FMI, relève la nécessité d'opérer des réformes structurelles pour en finir avec la dépendance vis-à-vis de la rente. «Cette situation conjoncturelle devrait être une opportunité d'accélérer les réformes visant la diversification et la transformation structurelle de l'économie», soulignent les rédacteurs du rapport. Pour ces derniers, l'Algérie doit diversifier son économie en s'appuyant moins sur les hydrocarbures et transformer son modèle de croissance. Un dossier, dit-on, sur lequel travaille actuellement le gouvernement. Aussi, les experts de la BAD plaident pour des réformes vigoureuses afin de doper la croissance et créer des emplois pour une population jeune qui augmente rapidement. Rappelant que la croissance s'est établie à un niveau estimé à 3,9 % en 2015, tirée principalement par l'agriculture et un rebond dans le secteur des hydrocarbures et qu'avec un secteur pétrolier qui génère environ 49% des recettes publiques et 96% des exportations, la banque africaine note que la baisse des cours du pétrole a réduit les épargnes budgétaires et extérieures. Ce qui met en évidence la nécessité de diversifier les sources de financement public de l'économie. Et ce, d'autant que les défis à relever en matière d'emploi, d'éducation et de santé sont importants face à un boom démographique (40 millions d'habitants) avec une population urbaine à 70% après avoir enregistré une transition entre 1987 et 1988. Des prévisions moroses L'épuisement des marges de manœuvre budgétaire et les indicateurs macroéconomiques qui sont dans le rouge n'arrangent guère la situation (voir tableau 1). Avec une croissance réelle du Produit intérieur brut (PIB) qui s'est établie à 3,9 % en 2015 contre 3,8 % en 2014, tirée principalement par l'agriculture, en particulier la production végétale et un rebond dans le secteur des hydrocarbures, les perspectives s'annoncent moroses pour 2016 et 2017. La BAD prévoit respectivement des PIB de l'ordre de 3,4% et 3%. L'institution finacière met par ailleurs en garde contre le retour de l'inflation. En 2015, le taux était de 4,8% en hausse après deux années consécutives de baisse. «C'est le résultat de l'augmentation des prix des produits alimentaires et des biens manufacturés.» Ce retour à l'inflation tient à des dysfonctionnements des circuits de distribution, notamment des produits agricoles frais et des produits alimentaires industriels», explique la Banque qui prévoit dans le même sillage des taux d'inflation de 4,3% et de 4% en 2016 et 2017 (voir tableau 1). Autre indicateur inquiétant : pour la première fois depuis 16 ans, la balance commerciale affiche un important déficit de 9% du PIB en 2015, en raison de la couverture des importations (31% du PIB) par les exportations (21% du PIB), entraînant une diminution des réserves officielles de change. Les comptes de l'Etat sont affectés par l'érosion des ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR), consécutive à la baisse notable de la fiscalité pétrolière, passée de 20 à 13% du PIB entre 2014 et 2015. Avec des recettes totales en baisse (27% du PIB en 2015 contre 33% en 2014) et des dépenses budgétaires toujours élevées (43% du PIB en 2015 et 2014), le déficit global s'est creusé. Il est passé, selon la même source, à 16% du PIB en 2015 contre 8,3% en 2014. Les prévisions pour 2016 et 2017 sont respectivement de 15,4% et 14,7%. «La conjoncture est surtout marquée par l'impact de la chute drastique des cours du pétrole sur la position extérieure ainsi que les comptes publics», note encore le rapport de la BAD. Un document qui place l'Algérie parmi les pays riches africains les plus affectés par la conjoncture internationale. En effet, dans de nombreux cas, les positions budgétaires et les comptes courants se sont dégradés. «La chute des cours des produits de base a fortement déstabilisé les budgets des pays riches en ressources, et ce, dès 2014. Ces pressions sont allées en croissant en 2015», lit-on dans ce rapport. La BAD poursuit : «La plupart des pays ayant accumulé des réserves lors du précédent boom ont réussi à faire face à ce revirement. Mais les déficits budgétaires relativement importants affichés pour certains en 2014 se sont aggravés en 2015». C'est le cas, en plus de l'Algérie, du Congo, de la Libye, du Sud-Soudan et de la Zambie. Pour ces régions, la dégradation de la balance extérieure (liée à une baisse des recettes d'exportation) a entraîné la dégradation de l'équilibre budgétaire (lié à un manque à gagner fiscal dans les industries extractives). Dans plusieurs cas, la dépréciation de la monnaie a aussi favorisé cette détérioration récente de la position extérieure, en renchérissant les importations. «Mais cet affaiblissement de la monnaie finira par redresser la balance commerciale dans la mesure où les entreprises nationales deviendront plus concurrentielles à la fois sur les marchés extérieurs et sur les marchés nationaux», explique à ce sujet le rapport de la BAD dans lequel les rédacteurs préconisent, pour éviter le phénomène dangereux des déficits jumeaux, de faire preuve de prudence budgétaire mais aussi de poursuivre une politique de taux de change concurrentielle et d'améliorer constamment l'environnement opérationnel des entreprises nationales et le climat des IDE (Investissements directs étrangers). «Ce faisant, les deux déficits finiront par baisser. Lorsque les déficits courants restants sont en grande partie financés par les IDE, ils restent tenables dans la mesure où ce type de financement n'aggrave pas la dette extérieure», relève la BAD. Ce qui n'est pas le cas en Algérie où le flux des IDE est timide. Un constat observé dans la majorité des pays de l'Afrique, essentiellement en Afrique du Nord.