Xavier Driencourt a associé l'ancien journaliste vedette de la télévision française, Rachid Arhab, et deux autres auteurs anonymes et inattendus que sont Karim Bouhassoun, diplômé de Sciences Po, né en banlieue parisienne de parents algériens et Nacer Safer, un Algérien qui a vécu 11 ans sans papiers en France, avant de régulariser sa situation. Les trois premiers se sont exprimés, jeudi soir, à l'hôtel Royal à Oran. Le quatrième n'a pas pu rejoindre le groupe, car son passeport algérien n'est pas arrivé à temps. «C'est un ouvrage qui ne traite ni de l'Algérie, ni de la France, ni des relations entre les deux pays, mais c'est le résumé de quatre visions de la société française, de ses difficultés, de ses problèmes d'intégration, de la laïcité, etc.» indique l'ancien ambassadeur, qui revendique la paternité de cette initiative, mais qui a dû, vu le poste qu'il occupe jusqu'à aujourd'hui au sein du ministère des Affaires étrangères (inspecteur général), demander la permission de Laurent Fabius et Jean-Marc Ayrault (respectivement ancien et actuel ministre des Affaires étrangères). C'était pour dire aussi qu'il s'agit de réflexions citoyennes sur les relations que peuvent entretenir les uns et les autres par rapport à diverses thématiques qui sont soumises au débat aujourd'hui : l'immigration, l'intégration, la complexité du phénomène des banlieues, la double nationalité, la religion, l'islam, la laïcité, etc. «C'est une réflexion démocratique à quatre, un exercice intellectuellement intéressant, car tout en s'écoutant, nous n'avons cherché ni à débattre ni à nous convaincre les uns les autres», explique Rachid Arhab, qui compare sa position par rapport à son pays d'origine, l'Algérie, et son pays d'adoption, la France, à quelque chose qui relèverait de l'ordre de l'inné et de l'acquis. «Il s'agit de transmettre des choses mais partant de ce que je vis et non de ce que je crois», précise-t-il, et les questions qui divisent n'empêchent pas la naissance d'une amitié sincère. «Nous avons la France en copropriété, il y a des parties communes et nous sommes dans l'obligation de nous mettre d'accord», résume-t-il, en déplorant que certaines questions qui ne sont pas totalement réglées finissent par ressortir de manière sournoise, référence faite au faux débat sur le racisme soulevé par la réaction de Karim Benzema à son éviction de l'équipe nationale suite au scandale de la sextape dans lequel il a été impliqué. Vu son parcours, Karim Bouhassoun considère que la méritocratie existe en France et se dit à l'aise dans sa double nationalité, car partagé entre l'amour qu'il a pour les deux pays. Il cultive lui aussi le rêve d'un avenir partagé et la possibilité de vivre ensemble dans la paix en engageant la responsabilité des élites des deux pays. A ce sujet, Rachid Arab, intervenant dans le débat, considère qu'«à un moment il faut avancer». Il évoque par exemple la difficulté d'être historien, dans la mesure où qu'on soit, d'un côté ou de l'autre de la Méditerranée, aucun consensus n'est possible dans l'état actuel des choses. L'ancien journaliste ambitionne de convaincre les autorités des deux pays pour créer une chaîne de télévision franco-algérienne sur le modèle d'Arte (voir entretien). Au-delà des relations bilatérales, sur un plan régional, s'exprimant à titre personnel, l'ancien ambassadeur Xavier Driencourt s'est dit contre le projet de l'Union pour la Méditerranée (UPM), car pour lui essayer de rassembler toute l'Europe et tous les pays de la Méditerranée autour d'un projet commun relève de l'impossible. L'idéal, et c'est une initiative qui reste, selon lui, à prendre à l'avenir, serait de construire quelque chose entre les trois pays du Maghreb (Tunisie, Algérie et Maroc) et les trois pays de la rive nord de la Méditerranée occidentale (Italie, France et Espagne), un projet qui a beaucoup plus de chances d'aboutir grâce à une proximité géographique mais aussi, dans une certaine mesure, une proximité culturelle.