L'opération d'identification des clients détenteurs d'une carte prépayée de téléphone mobile par les trois opérateurs (Djezzy, Mobilis et Nedjma) entre dans sa vitesse de croisière. Cette décision a été prise par les plus hautes autorités du pays après avoir constaté que le nombre de puces vendues au marché noir prenait des proportions alarmantes. La situation a pris une telle ampleur que Boudjemaâ Haïchour, ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, n'a pas mis de gants pour demander aux opérateurs de mettre un peu d'ordre à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale des télécommunications en mai dernier. Le ministre a souligné dans son discours : « Ils doivent tout mettre en œuvre pour que l'identification du client soit faite au moment de la souscription de l'abonnement ou de la délivrance de la carte prépayée. Ceci relève des prescriptions exigées pour la défense nationale et la sécurité publique. » Le représentant du gouvernement ne fait pas dans la nuance en ajoutant qu'il appartient à chaque opérateur d'avoir « une maîtrise totale du réseau et du circuit de distribution de ses produits ». Si la téléphonie mobile a pris un essor considérable ces dernières années en Algérie, le marché informel s'est vite faufilé dans la brèche pour prendre sa part du gâteau. Les puces comme les terminaux sont vendus dans la rue sans le moindre engagement. Jetons un coup d'œil sur les statistiques : près de 600 000 portables de contrebande ont été mis sur le marché en 2005. Plus de 5000 portables sont volés en moyenne à Alger. L'identification des ventes des puces devient ainsi une nécessité vitale, surtout qu'il s'avère que les groupes terroristes profitent de cette situation d'anarchie. Contacté, Abdelghani Talbi, chargé de la communication au niveau de l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT), nous affirme en tout cas que cette opération « est une recommandation de l'ARPT formulée à la veille de l'été ». Opération phoning Il ajoutera : « Les trois opérateurs se réunissent régulièrement au niveau de notre institution. Ils font actuellement ce qu'on appelle dans le jargon technique du phoning qui consiste à appeler le client et lui demander de se présenter pour signer le contrat. Certains envoient des SMS. » Selon les explications qu'il nous a fournies, il existe, dans certains cas, « des contrats-bidon ». Un nom est utilisé à plusieurs reprises et il n'est pas forcément celui qui possède le numéro de téléphone. Aucun opérateur ne peut néanmoins donner un pourcentage de ceux qui sont inidentifiables. Il précise aussi que « c'est un problème international » qui touche entre 5 à 10% des ventes, selon les estimations de l'Union internationale des télécommunications (UIT). « Les voyageurs peuvent avoir une puce sans passer par un opérateur. » Comment en est-on arrivé là alors que le cahier des charges imposé aux opérateurs stipule sans ambiguïté qu'un contrat commercial doit lier les deux parties. Il semble que les autorités et les opérateurs ont été pris de vitesse par l'expansion de la téléphonie mobile en Algérie et qu'il fallait répondre aux besoins avant de songer à mettre des balises et faire respecter la loi. L'ARPT a joué dans ce dossier son rôle de régulateur et veille à l'application des cahiers des charges de manière strictement identique à tous les opérateurs. Des réunions périodiques sont programmées pour apprécier l'état d'avancement de cette opération. Hassan Kabbani, directeur général d'Orascom Télécom Algérie (OTA), s'est plaint lors d'une récente conférence de presse du fait que la non-identification des clients soit au-delà des normes internationales. « Nous essayons de travailler avec les distributeurs et nos clients pour améliorer cela », soutient-il. Il demande, par ailleurs, à l'Arpt de trouver une formule pour répertorier le nombre réel des abonnés de chaque opérateur téléphonique. El Hachemi Belhamdi, PDG de Mobilis, que nous avons pu contacter, nous a affirmé : « Nous sommes toujours en liaison avec l'ARPT. Nous coordonnons avec nos distributeurs pour exiger des contrats de vente. Nous allons introduire d'ailleurs une procédure spécifique pour permettre le paiement à la remise du dossier du contrat. Pour les anciens clients, nous les saisissons par téléphone pour leur dire qu'il faut se mettre en conformité et jusqu'à ce jour, on peut dire qu'il y a du répondant. Les clients accèdent généralement à notre demande sans aucune difficulté. » Pour aller plus vite, Mobilis a trouvé une petite astuce : l'ensemble des promotions exige un contrat en bonne et due forme. Aucune estimation du taux de clients, qui ne sont pas conformes, n'est donnée. « D'ici deux semaines, on aura une idée », ajoute avec précaution le PDG de l'opérateur historique. Plus de 100 personnes ont été mobilisées pour informatiser les fichiers et mettre à jour la base de données.