Le musée du Bardo a accueilli la projection du film documentaire intitulé Trajectoire d'une vie : Nana Taous des Aït Hichem réalisé par Si Ali Mazif, cinéaste qui s'est longtemps éclipsé de la scène.Le documentaire fait le récit d'une vie exceptionnelle, celle de Nana Taous. On ne s'en lasse pas tellement les histoires racontées sont extraordinaires. Le réalisateur de « Leïla et les autres », a su rendre le parcours exceptionnel de la doyenne du tapis d'Aït Hichem. Celle qui joue le rôle de médiatrice dans son village a promu le tapis, source de revenus dans ces contrées lointaines de la Haute Kabylie où les femmes sont souvent abandonnées à leur triste sort . Présente à la projection, Nana Taous ne manquera pas, tels ces patriarches à la parole facile, de remercier les présents pour leur engouement. Toujours aussi lucide, elle a su relater dans le fim cette vie d'abnégation. Ceux qui l'ont connue d'ailleurs ne se sont guère fait violence en évoquant le parcours de cette femme, dont l'âge reste encore inconnu. Inscrite au registre des « présumés », Nana Taous des Aït Hichem fut l'une des toutes premières filles à rejoindre les bancs de l'école en dépit de l'appréhension des siens. Les Algériens répugnaient à le faire par la peur de voir leur culture ancestrale pervertie. Elle sera ainsi l'une des premières à décrocher haut la main le certificat d'études, titre qui lui permet de devenir par la suite monitrice dans l'école du village. Le regard toujours aiguisé en dépit du poids de l'âge, elle évoquera avec des mots mélangés à un Français très IIIe République sa joie de vivre avec un mari qui a toujours été aux petits soins avec elle. Celui-ci, vaillant comme on en trouve beaucoup dans cette Kabylie souffrante, mourra en martyre lors de l'opération Jumelle, laissant derrière lui huit enfants que Nana Taous a pris en charge avec bravoure comme savent le faire les femmes du terroir. Taous Ben Abdeslam des Aït Hichem a fait sortir le tapis du village éponyme dans lequel on l'a confiné pendant longtemps. A l'Indépendance de l'Algérie, elle contribuera à mettre sur pied l'ouvroir de Ouaghzen et celui de son village natal. Par son action, elle participera à la transmission de ce legs des ancêtres. Nana Taous participera à l'exposition de Paris en 1965. Le président français Charles de Gaulle ne manquera pas de lui faire des éloges pour son travail pour lequel elle fut approchée par beaucoup de personnalités de haut rang. Elle ne prendra sa retraite qu'en 1987 alors que son dernier tapis fut confectionné 5 ans auparavant. Elle dira qu'elle en fait profiter des jeunes filles de sa famille. Réalisé sur fonds propres du producteur, Procom International, le film de 52', diffusé à quatre reprises par Canal Algérie, fait son chemin. Le réalisateur est en discussion avec des chaînes étrangères comme la chaîne ARTE, pour lui assurer une large diffusion. Pour ces prochaines réalisations, Sid Ali Mazif souhaite poursuivre la thématique de la condition féminine en Algérie.