L'Erythrée et l'Ethiopie, deux vieilles connaissances, se font la guerre une nouvelle fois, après celle qui avait été menée par le premier pour arracher son indépendance acquise en 1991 après 30 années de guerre. L'Erythrée, rappelle-t-on, avait été occupée par son voisin éthiopien. Addis-Abeba avait tout simplement violé son engagement de puissance mandataire en faisant de ce territoire une de ses provinces, lui assurant une ouverture sur la mer. A vrai dire, et malgré l'indépendance de l'Erythrée et donc le retrait des forces et de l'administration éthiopiennes, rien ne va entre les deux voisins de la Corne de l'Afrique, cette fameuse zone sensible d'une région qui ne l'est pas moins. Cela ne va pas car, avec ce que l'on considérerait comme un règlement contesté pour avoir produit un contentieux territorial. Celui-ci concerne la ville de Badme, attribuée à l'Erythrée par une commission de délimitation des frontières soutenue par les Nations unies, mais que l'Ethiopie continue d'occuper. D'ailleurs, l'Erythrée a été la première à accuser son voisin du Sud d'avoir ouvert les hostilités «sur le front de Tsorona», une zone contestée par les deux pays. C'est ensuite cette tendance à agir de manière indirecte, et là, semble- t-il, l'Ethiopie, qui serait visée, a décidé de crever l'abcès et d'y mettre fin. Selon un analyste, qui dit avoir recensé «au moins huit flambées de violences importantes» depuis 2011 entre les deux voisins rivaux, l'une des théories pouvant expliquer cette soudaine tension serait que l'Ethiopie aurait décidé de répliquer «à une action armée» en mai dans le Sud éthiopien de Ginbot 7, un groupe d'opposition exilé aux Etats-Unis, qualifié de terroriste par Addis-Abeba et lié au régime érythréen. Effectivement, les incidents ou ce que l'on qualifie comme tels n'ont jamais manqué, et leur récurrence pose un sérieux problème de sécurité et de respect de la souveraineté et l'intégrité territoriale des deux pays. Mais l'on qualifie les actuels incidents comme étant les plus sérieux de ces 20 dernières années. Et le bilan fourni en ce sens par l'armée érythréenne, ce jeudi, amène à parler davantage de combats. En effet, ce pays a affirmé avoir tué «plus de 200» soldats éthiopiens dans des combats à leur frontière dimanche. «Plus de 200 soldats du TPLF (le Front de libération du peuple du Tigré, au pouvoir à Addis-Abeba, ndlr) ont été tués et plus de 300 blessés», indique une source officielle tout en soulignant qu'il s'agit là d'«estimations basses», laissant ainsi entendre que la situation pourrait être plus grave. Ce communiqué ne fait pas mention du nombre de victimes érythréennes, et n'évoque pas non plus d'éventuels prisonniers de guerre. Quant à l'Ethiopie, elle souligne qu'il y avait eu «un nombre important de victimes des deux côtés, mais plus dans le camp érythréen». Pas de chiffre, mais une appréciation de ces affrontements. Ces affrontements sont présentés par le gouvernement éthiopien comme étant les plus graves de ces dernières années. Pire que le conflit frontalier tout aussi meurtrier de 1998 à 2000. Des accords de paix ont bien été signés en 2000 mais c'est une paix toute relative, sinon précaire, puisque les deux pays demeurent ennemis et leurs forces se surveillent de près le long de la frontière lourdement fortifiée, où des affrontements de faible intensité sont régulièrement observés. Que peut-il bien se passer entre les deux pays, ou encore qu'est-ce qui les oppose ? L'on parle et même depuis longtemps de guerre par groupes rebelles interposés, sauf que les combats actuels n'ont pas été déclenchés par des éléments rebelles, et sont sans le moindre rapport avec la notion d'accrochage, puisqu'il est question, parmi les forces engagées de part et d'autre, de blindés et d'artillerie lourde. Les Nations unies ont bien appelé les deux parties à résoudre leur conflit par des voies pacifiques, mais ces deux pays le voudraient-ils. La Corne de l'Afrique sera donc encore une zone sensible.