Dans un article publié le 29 mai dernier sur son blog «Philatélie au quotidien», Pierre Jullien, journaliste au Monde, révèle le versement d'un montant de 1,788 236 million d'euro au nom des philatélistes français pour la Croix-Rouge française. Le montant représente le total des surtaxes des timbres vendus en 2015 au profit de l'organisation caritative. La cérémonie de remise du chèque au profit de la Croix-Rouge française par le représentant de Phil@poste a eu lieu en l'honneur de tous les philatélistes français représentés par des membres de la Fédération française des associations philatéliques, en présence du représentant de la Poste. Un bel exemple d'engagement de la part des philatélistes et de la Poste française envers les actions humanitaires de la Croix-Rouge française. C'est aussi un bel exemple de transparence, car il s'agit d'un montant important, soit l'équivalent dans notre monnaie de 26 milliards de centimes. Enorme. Une action qui incite aussi à une sérieuse réflexion. Une question s'impose chez nous : qu'en est-il de l'administration postale de l'Algérie, et qu'en est-il aussi des actions menées au profit du Croissant-Rouge algérien, à travers la philatélie. Même s'il n'y a aucune comparaison à faire entre une administration postale bien organisée, activant en étroite collaboration avec une fédération des associations philatéliques aux traditions reconnues, et une autre qui a connu de longues années de navigation à vue, il demeure utile de s'inspirer de ce que font les autres. Dans ce sens, on est aussi en droit de s'interroger : qu'a-ton fait de l'argent récolté par les surtaxes des timbres vendus par Algérie Poste durant plusieurs années ? Les philatélistes algériens ont bien le droit de le savoir. Dans ce volet, le palmarès d'Algérie Poste est peu éloquent. La générosité n'a pas été tout le temps au rendez-vous. Le bilan des émissions parues depuis l'indépendance à nos jours n'est pas vraiment généreux. Neuf au total, en 54 ans. La première émission d'une valeur de 0,30 DA avec une surtaxe de 0,10 DA, consacrée au Croissant-Rouge algérien, a vu le jour le 27/5/1967, avec une valeur de 0,30 DA+0,10 DA. Un portrait de deux enfants sur fond vert paru à l'imprimerie française De la Rue, imprimé à 500 000 exemplaires. Deux ans plus tard, le 15/11/1969, deux timbres signés par Bachir Yelles (0,30 DA + 0,10 DA) et Mohamed Temmam (0,95 DA+0,25 DA) ont été émis en aide aux sinistrés des inondations. La troisième émission, parue le 15/7/1971, ayant pour thème le secourisme au Croissant-Rouge, avec une figurine d'une valeur de 0,30 DA + 0,10 DA, sera l'œuvre de H. Boukendjakdji. Après une période creuse de 18 ans, la Poste renouera encore une fois avec les timbres de solidarité, à travers une œuvre de Baya célébrant la Journée mondiale de l'enfance le 1/6/1989 (1,00 DA +0,3 DA), tirée à 400 000 exemplaires. On n'attendra pas longtemps pour assister à une nouvelle figurine en solidarité avec le peuple palestinien, lors des événements de l'Intifadha, grâce à un dessin de Ali Kerbouche, sur un timbre émis le 9/12/1990 (valeur 1,00 +0,30). Le CRA devra patienter encore jusqu'au 2/5/1998, pour bénéficier d'un nouveau timbre, qui, lui, est exclusivement dédié, avec pour sigle «Solidarité de tous, la dignité pour tous», imprimé par la BCA (valeur 5,00 +1,00). Les timbres de solidarité, qui ne seront plus inscrits sur les tablettes d'Algérie Poste, resteront durant des années tributaires des catastrophes qui ont secoué le pays. Cela s'est vérifié lors des inondations de Bab El Oued du 10/11/2001, marquées par l'émission d'un timbre signé par Sid-Ahmed Bentounes (valeur 5,00 DA avec une surtaxe de 5,00), suivie par un timbre du même dessinateur suite au séisme de Boumerdès du 21/5/2003, avec la même valeur et la même surtaxe. La dernière émission d'un timbre de cette thématique très peu consistante est une série de deux timbres parus en 2004 à l'occasion du programme «Téléfood, nourriture pour tous», lancé par la FAO, illustrés par des dessins des enfants Mehdi Korichi et Hayat Meghaoui (5,00 DA + 1,00 DA). Douze ans après, la Poste algérienne et les dessinateurs de timbres n'y ont guère pensé. Panne sèche ou manque d'inspiration, la question demeure en suspens.