Confrontés à une grave crise budgétaire et bancaire, les pouvoirs publics semblent désormais prêts à tout pour faire aboutir le dispositif dit de «mise en conformité fiscale», qui vise à drainer l'argent de l'informel vers les circuits bancaires. «Il faut que les guichetiers acceptent les liquidités et s'ils doutent de l'origine des fonds, ils peuvent faire des déclarations de soupçons», a ainsi insisté hier le tout nouveau ministre des Finances, Hadji Babaammi, à l'occasion d'une cérémonie d'installation du nouveau PDG de la Banque extérieure d'Algérie (BEA), Saïd Kessasra, en remplacement de Mohamed Loukal, porté récemment à la tête de la Banque d'Algérie. Incitant les banques à se mobiliser davantage pour faire aboutir l'opération de bancarisation des fonds circulant hors circuit bancaire, en acceptant notamment le versement de l'argent liquide, le premier argentier du pays, cité par l'APS, n'a pas hésité à signifier aux banquiers, qu'il ne leur appartient pas de refuser ces dépôts. «Il faut que les guichetiers changent de comportement car à chaque fois qu'on dépose une grosse somme dans une banque et qu'on paie les 7% dans le cadre de la mise en conformité fiscale volontaire, on est libéré vis-à-vis du fisc», a lancé en définitive le ministre des Finances, comme pour mettre en demeure les banques de la place de veiller à faciliter au maximum la bancarisation de l'argent de l'informel. Instauré par la loi des finances complémentaire de 2015, le dispositif dit de mise en conformité fiscale volontaire (MCFV) vise, pour rappel, à encourager les particuliers non impliqués dans des opérations de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme à transférer leurs capitaux informels vers les circuits bancaires, moyennant paiement d'une simple taxe forfaitaire fixée à 7%. Depuis son entrée en vigueur il y a déjà près d'un an, cette opération qui devrait arriver à terme vers la fin de l'année en cours, semble plutôt piétiner, même si aucun bilan exhaustif et officiel n'a été livré jusque-là, si ce n'est quelques vagues indications avancées ça et là par des responsables du secteur bancaire public. Des sommes «importantes» ont déjà été placées dans les banques, s'était ainsi contenté d'indiquer l'ancien ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa en septembre dernier, soit près de deux mois après le lancement officiel de l'opération. «Il y a même des individus qui ont déposé des sommes vraiment importantes», avait-il alors renchéri, en assurant que l'objectif assigné à ce dispositif est de collecter de nouvelles ressources pour financer l'investissement productif. Le même ministre avait par ailleurs tenu à rassurer les citoyens et les opérateurs activant dans l'informel qu'il n'y aura pas de procédures de contrôle a posteriori ou de redressement fiscal, affirmant que tous les capitaux propres par rapport au droit pénal sont désormais «les bienvenus». A noter que selon certaines estimations officielles, l'argent liquide qui circule dans les circuits informels représenterait actuellement pas moins de 1300 milliards de dinars.